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Julien. Qu'est-ce, en effet, que le mal, c'est-à-dire le péché? La volonté de faire ce que défend la justice, et dont il nous est libre de nous abstenir. Qu'est-ce que la volonté? Un mouvement de l'âme sans, coaction. Il n'a tenu à la condition ni du néant ni des ténèbres que ce mouvement existât; pour qu'il soit en effet sans coaction, rien ne doit le forcer d'être. Et dès lors il. n'y a aucun péché naturel, aucun péché originel: puisque ces deux dénominations indiquent une seule chose, que le péché n'est pas volontaire. Or la vérité proclame qu'il n'y a que le volontaire qui puisse être péché ; et appeler mal ce qui est certainement inné en nous, ce n'est point nous convaincre que le mal est d'ans notre nature : c'est se montrer calomniateur par iniquité de jugement. Telle est notre réponse, quand tu croyais qu'on ne pourrait te répondre. La question n'était que pointue, et tu la croyais invincible.
Augustin. Ta joie n'est qu'une fausse joie voilà une réponse, nous dis-tu, et il est évident que tu n'as pu répondre, pour quiconque lira tes objections avec pénétration, ou les miennes sans trop de négligence. Quelle que soit ta subtilité à débrouiller ce qui n'est pas obscur, à obscurcir ce qui est clair, tout homme sage ne saurait nier que dans chaque homme riait sa volonté, et que la volonté humaine ne saurait venir que de l'homme. Et dès lors, puisque le mal a commencé par la volonté, et qu'avant la volonté mauvaise la nature de l'homme était bonne, comme nous le savons, le mal est venu de ceux qui étaient bons. C'est ce que dit Ambroise ; c'est ce qui anéantit Manès ; c'est ce que Julien vient nier pour Manès et contre Ambroise, quand il dit : « Si la nature est l'oeuvre de Dieu, par cette oeuvre de Dieu ne saurait a passer l'oeuvre du diable ». Ainsi Manès peut dire qu'ils ne sont point l'oeuvre de Dieu ces hommes par lesquels, au dire de l'Apôtre, ont passé le péché et la mort, ce qui est bien l'oeuvre du diable; selon Julien, en effet, l'oeuvre du diable ne saurait envahir l'oeuvre de Dieu; selon ,l'Apôtre, l'oeuvre du. diable a passé par les hommes; donc les hommes ne sont point l'oeuvre de Dieu. La conclusion est de Manès ; mais il la tire avec ton secours, Julien. Toutefois l'Apôtre, combattant pour la vérité, dit que les hommes sont l'oeuvre de Dieu, afin de confondre Manès et que l'oeuvre de Dieu, ou les hommes, a été envahie par l'oeuvre du diable, afin de t'abattre avec lui.