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Œuvres Lactance (250-325) Divinae Institutiones Institutions Divines
LIVRE VI.

XX.

Il ne me reste plus à parler que des plaisirs des sens. Aussi bien suis-je obligé de finir ce livre, qui n'est déjà que trop long. Tous les plaisirs étant vicieux et funestes, il les faut réprimer et les vaincre, ou, comme je l'ai déjà dit, les renfermer dans les bornes qui leur sont prescrites. Les animaux ne sentent point d'autre plaisir que celui de la génération ; ils n'usent des sens que par nécessité ; ils voient pour chercher ce qui leur est nécessaire pour la conservation de leur vie; ils écoutent pour se reconnaître et pour s'assembler ; ils flairent et ils goûtent pour choisir ce qui leur est propre à manger et pour rejeter ce qui ne l'est pas ; ils boivent et mangent jusqu'à ce que leur estomac soit rempli. Mais la providence de l'excellent ouvrier qui a créé l'homme, a répandu le plaisir indifféremment sur toutes ses actions, afin que la vertu le combatte continuellement, comme un ennemi domestique. « On n'est excité aux adultères, dit Cicéron dans le dialogue qui a pour titre l’ancien Caton, et aux autres débauches les plus infâmes, que par les aiguillons de la volupté. La nature ou quelque divinité ayant donné l'esprit à l'homme, comme le plus excellent de tous les présents, il n'y a rien qui lui soit si contraire que le plaisir. Quand le plaisir domine, la tempérance n'est plus d'aucun usage, et la vertu ne peut s'accorder avec la volupté. » Dieu a donné à l'homme la vertu pour réformer la volupté et pour la renfermer dans des bornes, de peur qu'elle ne le surprenne pas ses attraits, qu'elle ne l'assujettisse à son empire et ne l'engage dans une mort éternelle. Le plaisir des yeux a divers objets et se tire de la vue des choses qui sont à l'usage de l'homme, et qui sont parées des beautés de fart ou de la nature. Les philosophes ont eu raison de l'ôter, et de soutenir que regarder le ciel est une occupation plus digne de l'homme que de regarder ce qu'il y a de plus rare et de plus excellent sous le ciel, et qu'il doit plutôt admirer la splendeur des astres qui y sont attachés que la variété des couleurs, et l'éclat de l'or et des pierreries qui brillent sur les tableaux et sur les plus riches ouvrages de la main des hommes. Mais après que ces philosophes nous ont exhortés avec assez d'éloquence à regarder le ciel, et à mépriser les spectacles que la terre nous peut présenter, ils s'y arrêtent eux-mêmes, et y prennent du plaisir. Pour nous, nous devons nous en abstenir absolument, parce qu'ils corrompent l'esprit et le portent au vice, et ne contribuent en rien à notre bonheur. Quiconque voit égorger un homme avec plaisir, souille sa conscience, bien que cet homme-là ait mérité la mort et qu'il y ait été condamné par les lois, et il est presque aussi coupable que s'il avait eu part aux homicides commis en secret. Ils appellent des jeux ces exercices où l'on répand le sang ! Ces hommes se sont tellement dépouillés des sentiments de l'humanité, qu'ils s'imaginent se jouer et se divertir lorsqu'ils massacrent d'autres hommes. Ils sont sans doute plus coupables que ceux dont ils se plaisent à voir répandre le sang. Je voudrais bien qu'on me dit si ceux-là ont de la pitié et de la justice, qui non seulement permettent que l'on tue des hommes qui implorent leur clémence, mais qui, non contents des blessures qu'ils leur ont vil recevoir et du sang qu'ils leur ont vu répandre, demandent avec faveur qu'on leur ôte la vie, et de peur que quelqu'un ne leur échappe en faisant semblant d'être mort, crient que l'on achève des misérables qui sont renversés par terre et percés de coups. Ils se fâchent quand les gladiateurs combattent trop longtemps sans se tuer; et, comme s'ils étaient altérés de sang, ils demandent qu'on en amène d'autres qui aient plus de vigueur. Cette coutume cruelle ôte tous les sentiments de l'humanité, et ceux qui l'ont une fois prise n'épargnent pas les innocents, et sont bien aises que l'on exerce indifféremment sur tout le monde les traitements qu'ils ont vu faire aux coupables. Ceux qui veulent marcher dans le chemin de la justice doivent bien se garder de devenir complices de ces meurtres publics. Quand Dieu nous a défendu de tuer, il nous a aussi défendu non seulement de voler, ce qui n'est pas non plus permis par les lois, mais aussi de faire beaucoup d'autres choses qui sont permises par les lois civiles. Il n'est pas permis à un homme de bien d'aller à la guerre, parce qu'il ne connaît point d'autre guerre que celle que sa vertu fait continuellement au vice. Il ne lui est pas permis d'intenter une accusation capitale, parce qu'il n'y a point de différence entre celui qui lue par le fer et celui qui tue par la langue, et qu'il est défendu de tuer de quelque manière que ce soit. Ainsi la défense que Dieu a faite de tuer ne souffre point d'exception. Que personne ne se persuade qu'il soit permis d'écraser des enfants qui viennent de naître ; c'est une horrible impiété de leur ôter la vie que Dieu leur a donnée. Cependant s'il se trouve des personnes qui, voulant se souiller des crimes les plus atroces, envient à ces faibles et innocentes créatures la jouissance de la lumière que leur créateur leur avait accordée, comment ceux qui n'épargnent pas leur propre sang épargneraient-ils celui des autres ? L'énormité de leur crime est si manifeste, qu'il n'y a point de couleur par où on puisse la déguiser. Que dirons-nous de ceux qui, par une fausse piété, exposent leurs enfants? Peuvent-ils passer pour innocents, quand ils abandonnent aux dents des chiens leurs propres entrailles? Et ne font-ils pas mourir ces enfants d'un plus cruel genre de mort que s'ils les avaient étranglés? Qui doute que ce ne soit une impiété de priver ces innocentes créatures de l'effet de la compassion des personnes charitables ? Quand ils auraient le bonheur de tomber entre les mains de quelqu'un qui prit le soin de les élever, celui qui les a exposés, les a mis en danger ou d'être réduits en servitude, ou d'être prostitués dans les lieux de débauche. Qui est-ce qui ne sait pas les outrages que l'on peut faire, soit par méprise ou autrement, aux deux sexes, lorsqu'on les confond, et dont Œdipe est un exemple funeste? Ceux qui déposent leurs enfants sont donc aussi coupables que ceux qui les tuent. Ces parricides prétendent trouver une excuse légitime dans leur pauvreté, qui ne leur a pas permis de nourrir un si grand nombre d'enfants. Il n'est pas au pouvoir des hommes d'avoir du bien : Dieu donne tous les jours des richesses aux pauvres, et réduit les riches à la pauvreté. Que si quelqu'un se trouve en effet si pauvre qu'il n'ait pas de quoi nourrir des enfants, qu'il s'abstienne de la compagnie de sa femme plutôt que de détruire l'image de Dieu. Ainsi l'homicide étant défendu, de quelque manière qu'on le commette, il n'est pas permis de le regarder, de peur que la conscience ne soit souillée par la vue du sang que l'on ne répand que pour donner un cruel plaisir au peuple.

Je ne sais si la corruption du théâtre n'est point encore plus criminelle que celle des spectacles et des combats. La comédie ne représente le plus souvent que déjeunes filles corrompues et violées, que des femmes qui font l'amour : et plus les poètes qui ont décrit ces désordres ont d'élégance, plus leurs sentiments entrent avant dans l'esprit, et plus leurs erreurs s'attachent à la mémoire. Les tragédies ne contiennent autre chose que les parricides et les incestes des méchants princes. Les mouvements impudiques des bouffons n'inspirent que la débauche. Ils enseignent à commettre de véritables adultères quand ils en représentent d'imaginaires. Quelles impressions ces sales représentations ne font-elles pas dans l'esprit des jeunes gens, quand ils voient que tout le monde y assiste sans pudeur? Le plaisir, qui entre plutôt par les yeux que par les autres sens, s'allume dans leur cœur. Ils approuvent les infamies quand ils en rient ; et les jeunes gens dont il ne faut pas corrompre l'innocence, et les vieillards qui ne sont plus en âge de pécher, s'en retournent en leurs maisons plus corrompus qu'ils n'étaient venus au théâtre.

Il n'y a que de la légèreté, de la vanité et de l'extravagance dans les jeux du cirque; les spectateurs entrent dans une fureur égale à l'impétuosité avec laquelle les tenants courent dans la carrière. Ceux qui semblaient n'être venus que pour regarder, se font regarder eux-mêmes par l'excès de leurs clameurs et par le dérèglement de leurs gestes. Il faut donc éviter absolument tous les spectacles, de peur qu'ils n'impriment les mouvements inquiets des vices dans des âmes qui doivent être tranquilles et paisibles, et que les attraits de la volupté ne nous détournent du service de Dieu et de la pratique des bonnes œuvres. Les jeux sont des fêtes des faux dieux ; ils n'ont été institués que pour honorer le jour de leur naissance, ou pour rendre la consécration de leurs temples plus célèbre. Les chasses et les présents ont été ordonnés au commencement en l'honneur de Saturne, les faux dieux du théâtre en l'honneur de Bacchus, et les jeux du cirque en l'honneur de Neptune. Ils ont été attribués par la suite du temps aux autres dieux, comme Sisinius Capiton le prouve fort au long dans les livres qu'il a faits des spectacles. Quiconque va à ces spectacles, qui sont des cérémonies de la superstition païenne, quitte le service de Dieu et s'attache à celui des démons.

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