V. 7 et 8.
« Tout le travail de l'homme est pour la bouche, mais son âme n'en est pas remplie. Qu'a le sage de plus que l'insensé? qu'a le pauvre au-dessus de lui , sinon qu'il va au lieu où est la vie ? » Tout le travail des hommes dans ce monde aboutit à la conservation de la vie : on travaille pour avoir de quoi manger, et la bouche consume tout le fruit du travail de nos mains. Les viandes, après avoir été brisées par les dents dans notre bouche, descendent dans l'estomac où se fait la digestion. Le plaisir court que donne le manger commence dans la bouche ; on ne le sent que pendant que les viandes sont dans le gosier ; dès qu'elles sont descendues dans les entrailles, il n'y a plus de différence entre les mets les plus exquis et les plus délicieux et les viandes les plus grossières. On a beau se rassasier et manger souvent, l'âme n'en est pas moins vide, soit à cause que nous avons toujours faim et besoin de prendre de la nourriture pour nous conserver la vie , soit à cause que les viandes corporelles ne contribuent point à la réfection spirituelle de l'âme; car le sage peut aussi peu se passer de nourriture pour la vie du corps que les fous et les insensés, les uns et les autres étant également assujettis à toutes ces nécessités. C'est ce qui oblige les pauvres à se trouver devant les maisons des grands, où ils savent qu'ils recevront les aumônes des riches.
Mais pour donner un sens plus noble à ces paroles, il faut les entendre des fidèles qui sont savants dans les divines Écritures, et qui portent dans leur bouche cette céleste doctrine qu'ils ont apprise avec beaucoup de peine et de travail pour en nourrir leur esprit et pour en édifier leurs frères qui les entendent parler. Leur âme ne peut assez se remplir de cette divine nourriture, parce que leur coeur a toujours plus d'ardeur et de zèle à mesure qu'ils acquièrent des lumières et des connaissances nouvelles. Et de là vient la différence du chrétien sage et du chrétien insensé, de celui qui est pauvre selon les maximes de l'Evangile et de celui qui ne l'est point. Celui qui est pauvre ou détaché de toutes les affections de la terre reconnaît sa pauvreté et son indigence : c'est pourquoi il tâche de s'élever au-dessus de lui-même pour contempler les vérités divines qui nous promettent la vie et des délices éternelles. Ces connaissances lui font ensuite embrasser un état plus saint, et le font marcher dans la voie étroite qui conduit à la vie. Quand il est assez heureux que d'être arrivé à ce haut point de perfection il se trouve pauvre, c'est-à-dire exempt de tout péché ; et alors il connaît distinctement où Jésus-Christ, qui est notre vie, a établi sa demeure, et où il se plait d'habiter.