XVI.
Mais venons maintenant à la question des temps : je veux, Dieu m'aidant, l'examiner attentivement avec vous, afin que vous compreniez que notre doctrine n'est ni nouvelle, ni mensongère, mais qu'elle est bien plus ancienne et plus vraie que tout ce que nous ont transmis vos poètes et vos historiens. Rien de plus incertain que tout ce qu'ils ont dit. Les uns, en effet, ont prétendu que le monde était incréé et qu'il avait existé de tout temps ; d'autres conviennent qu'il a été créé, mais ils lui donnent une existence de cent cinquante-trois mille soixante-quinze années. Voilà ce que nous dit l'Égyptien Apollonius : Platon lui-même, qui paraît avoir été le plus sage des Grecs, dans combien de puérilités ne s'est-il pas égaré ? Voici ce que nous lisons dans son livre intitulé les Cités :
"Comment, si le monde a toujours existé, ainsi qu'il est aujourd'hui, comment aurait-on découvert ensuite des choses nouvelles, puisqu'elles furent inconnues pendant dix mille fois dix mille ans aux hommes, qui vivaient alors, et qu'elles n'ont été découvertes que depuis mille ou deux mille ans, par Dédale, Orphée et Palamède ?"
Ainsi Platon reconnaît bien que le monde a été créé, mais il compte dix mille fois dix mille ans depuis le déluge jusqu'à Dédale. Plus loin encore, après avoir traité fort au long des différentes cités, des habitations et des peuples qui couvrent la terre, il confesse ingénument qu'il n'a avancé que des conjectures :
"Si j'avais un Dieu pour hôte, dit-il, et qu'il me promît ses lumières ; et si nous examinions de nouveau de quelle manière il convient de porter la loi, je ne sais pas si, changeant de langage, etc."
Ainsi donc, il n'a donné que des conjectures ; mais des conjectures ne sont pas des vérités.
