3.
Je rougis, en vérité, de me justifier de calomnies telles que, je le pense, l’accusateur lui-même n’oserait les renouveler devant moi. Car il sait bien qu’il ment, et que je ne suis pas assez insensé, que je n’ai pas assez perdu l’esprit pour être soupçonné d’avoir eu même la pensée d’un tel crime. C’est pourquoi, si d’autres m’eussent interrogé, je n’eusse pas répondu, pour ne point laisser en suspens, ne fût-ce que dans le temps de mon apologie, la pensée de mes auditeurs; mais, devant ta Circonspection, j’élève, je fais éclater ma voix pour me défendre, et, étendant la main, comme je l’ai appris de l’Apôtre: Je prends Dieu à témoin contre mon âme. Je m’écrie encore, comme il est écrit dans les Histoires des Rois : Le Seigneur m’est témoin, son Christ m’est témoin (permets-moi aussi de le dire), que jamais je n’ai mal parlé de ta Piété à ton frère d’heureuse mémoire, Constant, le très pieux Auguste; jamais je ne l’irritai contre toi, comme l’ont dit les calomniateurs; mais, si parfois, lorsque je me présentais devant lui, il me rappelait ton Humanité, par exemple, quand Thalassus vint à Pitybion, pendant mon séjour à Aquilée, le Seigneur est témoin de ce que je dis de ta Piété. Ces paroles, puisse-t-il les révéler à ton âme, afin que tu reconnaisses la calomnie de mes dénonciateurs. Pardonne-moi mes paroles, très clément Auguste, et accorde-moi beaucoup d’indulgence; mais, ni cet ami du Christ n’était assez facile, ni moi je n’étais un assez grand personnage, pour nous entretenir de telles choses, pour que j’osasse accuser un frère auprès d’un frère, mal parler d’un empereur à un empereur. Je ne suis pas insensé, ô prince; je n’ai pas oublié la divine parole qui dit: Ne maudis pas le roi dans ta conscience; ne maudis pas le riche dans le secret de ta chambre, parce que l’oiseau du ciel lui reportera ta parole, et que le messager ailé lui annoncera ton discours. Si les paroles prononcées dans le secret contre les rois ne restent pas cachées, n’est-il pas incroyable que, devant un empereur et une telle assistance, j’aie parlé contre toi? Car jamais, je n’ai vu seul ton frère; jamais il ne m’a entretenu seul. J’entrais toujours avec l’évêque de la ville où j’étais et ceux qui se trouvaient à sa cour; nous le voyions ensemble et ensemble nous nous retirions. C’est ce que peut affirmer Fortunatianus, évêque d’Aquilée; c’est ce que peuvent dire le vénérable Hosius, Crispinus de Padoue, Lucillus de Vérone, Denys de Leide, et Vincent, évêque de Campanie: et, puisque Maximin de Trêves et Protase de Milan sont morts, c’est ce que peut encore affirmer Eugène, alors maître de la Chambre; il se tenait devant le voile et entendait ce que nous demandions au prince et ce qu’il daignait nous répondre. C’en est assez pour la démonstration de mon innocence; accorde-moi néanmoins de te rendre compte de mes pérégrinations pour te faire condamner mes frivoles accusateurs.