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Il n'y a rien que ces vices n'ébranlent, car de même qu'un vent violent, lorsqu'il s'abat sur une mer calme, la trouble jusque dans ses profondeurs, au point que les flots charient le sable, de même ceux-ci, une fois entrés dans l'âme, ta bouleversent de fond en comble, l'aveuglent et lui enlèvent sa clairvoyance. Cela est surtout vrai du fol amour de la gloire. Pour les richesses il est facile à qui le veut de les mépriser, mais dédaigner un honneur qui nous est accordé par un grand nombre d'hommes, voilà qui exige un grand courage, une grande philosophie, une âme angélique et qui s'élève jusqu'au sommet du ciel. Il n'y a pas, non il n'y a pas un seul vice qui ait une puissance aussi tyrannique, et qui règne ainsi partout. Car il règne partout, ici plus, là moins, mais partout cependant. Comment pourrons-nous donc le vaincre, sinon tout à fait, au (414) moins en partie? Ce sera en nous tournant vers le ciel, en ayant l'image de la Divinité sous les yeux, en élevant notre pensée au-dessus des choses de la terre. Toutes les fois que vous vous sentirez tenté du désir de la gloire, pensez que vous l'avez acquise, considérez à quoi elle se termine enfin , et comprenez qu'elle n'est rien. Voyez quels maux elle traîne après elle et de quels biens elle nous prive. Vous supporterez les fatigues , vous affronterez les dangers, mais le prix de vos efforts, mais la récompense vous échappera. Songez que la plupart des hommes sont méchants, et méprisez leur gloire. Car prenez-les un à un, voyez quels ils sont, vous trouverez que les honneurs sont ridicules, et qu'ils sont moins une gloire qu'une honte : ensuite élevez votre pensée vers le trône de Dieu. Lorsque vous aurez fait une bonne action, si vous pensez que vous devez la montrer aux hommes, si vous recherchez des spectateurs pour qu'elle soit vue, songez que Dieu la voit, et réprimez tous ces désirs. Eloignez votre pensée de la terre pour la porter vers le céleste séjour.
Si les hommes vous louent, plus tard ils vous blâmeront, ils vous porteront envie , ils vous déchireront ; supposons qu'il n'en soit rien, du moins leurs éloges ne vous rapporteront aucun avantage. En Dieu rien de semblable : il aime à nous louer de nos bonnes couvres. Vous avez bien parlé et vous avez été applaudi : quel profit en retirez-vous? Si vous avez été utile à ceux qui vous applaudissent, si vous les avez convertis, si vous les avez rendus meilleurs, si vous les avez guéris de leurs plaies, il faut vous réjouir assurément non pas des éloges qu'ils vous donnent, mais d'une conversion si belle et si merveilleuse. Mais si malgré leurs louanges continuelles et le tumulte de leurs battements de mains, ils ne retirent aucun fruit de ce qu'ils louent, il faut plutôt gémir sur leur sort, en voyant que leurs applaudissements seront leur condamnation. Du moins votre piété sera-t-elle une gloire pour vous ? Si vous êtes pieux et que vous n'ayez conscience d'aucune faute, vous devez être content non point de paraître ce que vous êtes, mais d'être ce que vous paraissez. Que si, sans être pieux, vous êtes honoré par les hommes, songez que vous ne les aurez pas pour juges au dernier jour, mais gîte Celui qui vous jugera connaît les ténèbres et leurs mystères. Oui, si, lorsque vous avez conscience de vos fautes, vous paraissez pur à tous les yeux, non-seulement il ne faut pas vous réjouir, mais bien plutôt devez-vous pleurer et pleurer amèrement sur vous-même, en pensant à ce jour où tout sera révélé, où les ténèbres montreront leurs secrets à la lumière. Vous possédez de la gloire? dépouillez-vous-en, dans la conviction qu'il vous faudra payer ces hommes. Personne ne vous honore? Et bien, vous devez même vous en réjouir: car Dieu n'ajoutera pas un nouveau reproche à tous ceux qu'il vous fera, il ne pourra pas vous blâmer d'avoir joui de la gloire. Ne voyez-vous pas en effet que l'Éternel, dans l'énumération de tant de bienfaits méconnus, met encore ceci en ligne de compte ? « J'ai », dit-il par la bouche d'Amos, « suscité quelques-uns d'entrevous pour être prophètes, et quelques-uns d'entre vos jeunes gens pour être nazaréens ». (Amos, II, 11.) Ainsi, pour tout le moins vous aurez cet avantage, que vous ne serez pas exposé à de plus grands supplices. Car n'êtes-vous pas honoré en cette vie ? êtes-vous méprisé? ne fait-on de vous aucun cas? que dis-je ! êtes-vous insulté et outragé ? ce dédommagement vous reste; qu'on ne vous demandera pas compte des honneurs que vous auront accordés vos compagnons d'esclavage. Mais vous retirez de là bien d'autres avantages : rabaissé et humilié comme vous l'êtes, vous ne pouvez pas, quand même vous le voudriez, céder à l'orgueil, lorsque vous portez votre attention sur vous-même. Pour celui au contraire qui jouit de grands honneurs, outre qu'il aura de terribles dettes à solder, il se laisse aller à l'arrogance et à la vaine gloire, et il se fait l'esclave des hommes. De plus, à mesure que sa puissance s'étend, il est obligé de faire beaucoup de, choses qui lui déplaisent.
