8.
Pythagore de Samos définissait ainsi le sage : « un spectateur de l’univers placé ici-bas, comme dans un théâtre, aux représentations solennelles, pour regarder la pièce. » Demandons-nous donc ce que va faire un spectateur qui veut se tenir convenablement. N’est-il pas clair, n’est-il pas certain qu’on le verra, tranquillement assis, attendre que les divers actes du drame, le rideau une fois tiré, se produisent successivement sous ses yeux? Mais si quelque indiscret curieux, aussi effronté qu’un chien, comme dit le proverbe, veut pénétrer derrière la toile pour examiner de près tous les préparatifs de la mise en scène, les juges du théâtre le feront chasser à coups de fouet. Dût-il n’être pas découvert, il n’en sera guère plus avancé, car il ne verra rien que d’indistinct et de confus. Il est de règle cependant que le spectacle soit précédé d’un prologue, et qu’un acteur vienne exposer d’avance au public les incidents de la pièce qui va se jouer. En cela l’acteur ne manque pas à son devoir; il ne fait qu’exécuter les ordres de celui qui préside à la représentation; il tient de lui le rôle qu’il apprend, sans se montrer affairé, sans s’agiter hors de propos; ce rôle, il le sait, mais il se taira jusqu’à ce qu’on lui dise de paraître devant le public; car les acteurs ne savent pas eux-mêmes l’instant où ils doivent entrer en scène, et ils attendent, pour s’avancer, le signal qui leur est donné. Ainsi l’homme, à qui Dieu fait connaître les mystères de l’avenir qu’il prépare, doit s’incliner devant la majesté divine, et garder le silence autant et même plus que les ignorants; car ceux qui ne savent pas essaient de deviner; mais quand les conjectures sont poussées trop loin, elles ne présentent plus qu’incertitudes; on peut les discuter à perte de vue: tandis que la vérité se connaît et s’exprime sans laisser place au doute. Le sage qui la possède la tiendra cependant cachée, comme un dépôt que Dieu lui a confié. Et puis les hommes détestent l’indiscrétion présomptueuse. Celui que Dieu n’a pas daigné choisir pour l’un de ses initiés doit rester tranquille, sans chercher à surprendre un secret dont la connaissance lui est interdite, car les hommes n’aiment pas non plus la curiosité téméraire. A quoi bon d’ailleurs être si pressé, puisque bientôt on sera aussi avancé que tous les autres? Car encore un peu de temps, et chacun de nous aura sa part de cette science qui lui est aujourd’hui refusée; les événements, à mesure qu’ils s’accomplissent, tombent dans le domaine commun; ils frappent les yeux et les oreilles.
Le temps, témoin incorruptible,
Vient à la fin nous éclairer.1
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Pindare, Olymp. I, 53. ↩