CHAPITRE XII. DÉLOYAUTÉ DE LA JEUNESSE ROMAINE.
22. Déjà je remplissais avec zèle l’intention de mon voyage à Rome ; j’enseignais la rhétorique à quelques jeunes gens réunis chez moi, dont j’étais connu, et qui me faisaient connaître. O voici que j’apprends qu’il se pratique à Rome certaines choses, inouïes en Afrique. On n’y voit, il est vrai, aucune de ces violences ordinaires à l’impudente jeunesse de Carthage; mais il s’y fait, me dit-on, entre jeunes gens, de soudains complots pour frauder leur maître de sa récompense, et ils passent chez un autre, transfuges avares de la bonne foi et-de l’équité! Et je me sentais plein de haine pour ces âmes viles; mais cette haine n’était pas légitime, car c’était peut-être le préjudice que j’en devais souffrir, plutôt que l’iniquité même de leur action, qui la soulevait.
Et néanmoins elles sont bien hideuses ces âmes infidèles; prostituées à l’amour des frivoles jouets du temps, et de ce trésor de boue dont la prise souille la main, dans les embrassements de ce monde éphémère, elles méprisent votre clémence éternelle, qui nous rappelle, qui pardonne à l’épouse adultère aussitôt qu’elle revient à vous. Et je hais encore aujourd’hui ces hommes de honte et de difformité, quoique je les aime en vue de leur correction, afin qu’ils préfèrent à l’argent la science qu’on leur enseigne, et qu’ils vous préfèrent à la science, ô Dieu, vérité, félicité inaltérable, paix des âmes pures! Mais alors mon intérêt me donnait plus de haine contre leur perversité, que le vôtre ne m’inspirait de désir pour leur amendement.
