CHAPITRE II. ELLE SE REND A LA DÉFENSE DE SAINT AMBROISE.
2. Ma mère ayant apporté aux tombeaux des martyrs, selon l’usage de l’Afrique, du pain, du vin et des gâteaux de riz, le portier de l’église lui opposa la défense de l’évêque; elle reçut cet ordre avec une pieuse soumission, et je l’admirai si prompte à condamner sa coutume plutôt qu’à discuter la défense (Saint Augustin, de venu évêque, imita saint Ambroise et attaqua cette coutume dont abusait l’intempérance. (Voir lett. 22 à Aurélien de Carthage, et lett. 29 à Alypius.). L’intempérance ne livrait aucun assaut à son esprit, et l’amour du vin ne l’excitait pas à la haine de la vérité, comme tant de personnes, hommes (406) et femmes, pour qui les chansons de sobriété sont le verre d’eau qui donne des nausées à l’ivrogne. Lorsqu’elle apportait sa corbeille remplie des offrandes funèbres, elle en goûtait et distribuait le reste, ne se réservant que quelques gouttes de vin, autant que l’honneur des saintes mémoires en pouvait demander à son extrême sobriété. Si le même jour célébrait plus d’un pieux anniversaire, elle portait sur tous les monuments un seul petit flacon de vin trempé et tiède, qu’elle partageait avec les siens en petites libations; car elle satisfaisait à sa piété et non à son plaisir.
Sitôt qu’elle eut appris que le saint évêque, le grand prédicateur de votre parole, avait défendu cette pratique même aux plus sobres observateurs, pour refuser aux. ivrognes toute occasion de se gorger d’intempérance dans ces nouveaux banquets funèbres trop semblables à la superstition païenne, elle y renonça de grand coeur, et au lieu d’une corbeille garnie de terrestres offrandes, elle sut apporter aux tombeaux des martyrs une âme pleine des voeux les plus épurés; se réservant de donner aux pauvres selon son pouvoir, il lui suffit de participer, dans ces saints lieux, à la communion du corps du Seigneur, dont les membres, imitateurs .de sa croix, ont reçu la couronne du martyre.
Il me semble toutefois, Seigneur mon Dieu, et tel est le sentiment de mon coeur en votre présence, qu’il n’eût pas été facile d’obtenir de ma mère le retranchement de cette pratique, si la défense en eût été portée par un autre moins aimé d’elle qu’Ambroise, qu’elle chérissait comme l’instrument de mon salut; et lui l’aimait pour sa vie exemplaire, son assiduité à l’église, sa ferveur spirituelle dans l’exercice des bonnes oeuvres; il ne pouvait se taire de ses louanges en me voyant, et me félicitait d’avoir une telle mère. Il ne savait pas quel fils elle avait en moi, qui doutais de toutes ces grandes vérités, et ne croyais pas qu’on pût trouver le chemin de la vie.
