CHAPITRE XIV. PROJET DE VIE EN COMMUN AVEC SES AMIS.
24. Nous étions plusieurs amis ensemble, qui, dégoûtés des turbulentes inquiétudes de la vie humaine, objet habituel de nos réflexions et de nos entretiens, avions presque résolu de nous retirer de la foule pour vivre en paix. Notre plan était de mettre en commun ce que nous pourrions avoir, de faire une seule famille, un seul héritage, notre sincère amitié faisant disparaître le tien et le mien, le bien de chacun serait à tous, le bien de tous à chacun; nous pouvions être dix dans cette communauté, et plusieurs. d’entre nous étaient fort riches; Romanianus, en particulier, citoyen de notre municipe, qu’une tourmente d’affaires avait jeté à la cour de l’empereur, et mon intime ami dès l’enfance. Il était le plus ardent à presser ce dessein, et il nous le persuadait avec d’autant plus d’autorité, qu’il avait la prépondérance de la fortune.
Nous avions décidé que deux d’entre nous seraient chargés, comme magistrats annuels, de l’administration des affaires, les autres vivant en repos. Mais quand on vint à demander sites femmes y consentiraient, plusieurs étant déjà mariés, et nous aspirant à l’être, l’argile si bien façonné de cette illusion nouvelle éclata entre nos mains, et nous en rejetâmes les débris.
Et nous voilà retombés dans nos soupirs, dans nos gémissements, dans les voies du siècle larges et battues, et notre coeur roulait le flot de ses pensées devant l’éternelle stabilité de votre conseil ( Ps. XXXII, 2). Du haut de ce conseil, riant de nos résolutions, vous prépariez les vôtres, attendant le temps propre pour nous donner la nourriture, et pour ouvrir la main qu’il allait combler nos âmes de bénédiction ( Ps CXLIV, 15, 16.).
