12.
Le M. Par quel mystère sommes-nous donc conduits à découvrir tant de syllabes dans la mesure des pieds, et forcés d'autre part, en vertu des raisons développées plus haut, a reconnaître que le rythme n'admet aucun pied de plus de quatre syllabes? N'y a-t-il pas là une contradiction? — L’E. Elle est manifeste et je ne vois guère comment on pourrait concilier ces deux choses. — Le M. Le moyen est très-facile, il suffit de te demander à toi-même si nous étions fondés à distinguer par le battement de la mesure le pyrrhique, le procéleusmatique, pour assurer à chaque pied, régulièrement divisé, le privilège de former un rythme, en d'autres termes, de lui imposer son nom. — L’E. Je me rappelle cette règle et je ne vois pas pourquoi je regretterais d'en avoir reconnu la justesse. Mais que veux-tu en conclure ? — Le M. Que tous les pieds de quatre syllabes, excepté l'amphibraque, peuvent former un rythme, en d'autres termes, tenir dans un rythme le premier rang et le constituer de fait comme de nom, tandis que ceux qui ont plus de quatre syllabes, tout en pouvant se substituer aux premiers pour la plupart, ne sont pas susceptibles de former par eux-mêmes un rythme et de lui donner leur nom; à ce titre, ils ne méritent pas même le nom de pieds. Ainsi s'explique et disparaît la contradiction apparente qui nous inquiétait tout à l'heure; car, quoiqu'on puisse substituer à un pied plus de quatre syllabes, on ne doit donner le nom de pied qu'à la combinaison capable de former un rythme. Il fallait en effet établir pour le pied une progression dans les syllabes déterminée par une juste mesure; cette mesure, régulièrement empruntée aux nombres , s'est arrêtée au nombre 4 comme limite extrême, et par conséquent le pied a pu se composer de quatre syllabes. La substitution de huit brèves à ces quatre longues est parfaitement légitime , puisque la durée des temps ne change pas; mais comme elles dépassent la limite régulière, c'est-à-dire, le nombre 4, elles ne peuvent former par elles-mêmes une combinaison ni constituer un rythme; l'oreille n'en serait pas choquée, mais le principe même de l'art serait violé. As-tu une objection à me faire?
