10.
Le M. Je le trouve fort juste: mais c'est un point qu'il n'est pas aisé de faire comprendre à tout le monde. Telle est la force de l'habitude, qu'une fois invétérée elle devient, si elle est fille de l'erreur, la plus mortelle ennemie de la vérité. Pour composer un vers héroïque, il n'importe guère, tu le sens bien, qu'on mêle l'anapeste ou le dactyle avec le spondée; pour le scander logiquement, opération qui dépend de la raison et non de l'oreille, on ne doit pas s'appuyer sur un préjugé, mais procéder avec méthode. La méthode que j'applique ici n'est pas de mon invention, elle est même bien antérieure à la routine quia prévalu. Qu'on lise les auteurs grecs ou latins qui ont le plus approfondi cette matière; on apprendra avec moins de surprise quels sont nos principes. Mais ne faut-il pas rougir de sa faiblesse, quand on a recours à l'autorité pour appuyer la raison? Rien ne devrait prévaloir sur l'autorité qui environne la raison et la vérité pure, si supérieure à l'homme, quel que soit son génie. Nous devons recourir à l'autorité des anciens, quand il s'agit de voir s'il faut prononcer une syllabe longue ou brève, afin de rester fidèles à l'usage dans l'emploi des mêmes mots. En pareil cas il y a autant de paresse à négliger l'usage que de témérité à innover. S'agit-il de scander un vers? alors il faut bien se garder d'obéir au préjugé invétéré plutôt qu'à l'éternelle raison. Car l'oreille d'abord nous révèle la juste mesure du vers; un examen logique du nombre des pieds nous la fait approuver, et, pour comprendre qu'il faut clore le vers par une terminaison saillante, il suffit de voir que le vers doit avoir une terminaison plus marquée que les mètres, et qu'une terminaison en ce cas est bien marquée par un temps plus court, puisqu'il y a là une limite et en quelque sorte un frein qui fixe et arrête la durée.
