27.
Allons plus loin; dans un enchaînement de pieds, soit qu'il ait une étendue indéterminée, comme le rythme, soit qu'il ait une fin déterminée, comme le mètre, soit qu'il se partage en deux hémistiches liés étroitement entre eux, comme le vers, quel autre rapport que celui de l'égalité, établit entre les pieds une alliance intime? Pourquoi, dans le molosse et dans les ioniques, la syllabe longue du milieu peut-elle se partager en deux intervalles égaux, non par une césure, mais par la volonté de celui qui la prononcé ou qui en frappe la mesure, de telle façon que le pied tout entier soit ramené à un rapport de trois temps, quand il est combiné avec des pieds qui admettent ce mode de division; pourquoi, dis-je, cette syllabe longue peut-elle se partager ainsi, sinon parce qu'elle est égale aux deux syllabes qui commencent et finissent le pied et qui, comme elle, sont de deux temps ? Pourquoi l'amphibraque1 n'est-il pas susceptible de se partager ainsi, quand il est uni à des pieds de quatre temps, sinon parce que, les deux syllabes extrêmes étant brèves, et la moyenne, longue, il n'offre pas un rapport aussi parfait d'égalité? Si l'oreille n'est ni trompée, ni offensée par les silences intermédiaires, cela ne vient-il pas de ce qu'on rétablit ainsi l'égalité, non par des sons, mais par une pause équivalente? Si une brève suivie d'un silence produit l'effet d'une longue sur l'oreille, non en vertu d'une convention , mais d'un jugement naturel que prononce l'oreille ; n'est-ce pas que l'égalité nous empêche encore d'abréger un son quand la durée se prolonge? Voilà pourquoi il est légitime de prolonger une syllabe au delà de deux temps, afin de combler par un son réel l'espace vide des silences; l'oreille, qu'elle écoute les sons ou qu'elle observe les silences, n'éprouve aucune déception. Mais si la syllabe n'a pas une valeur de deux temps, quand il reste une durée à remplir par des gestes muets, le sentiment de l'égalité est froissé, parce qu'il ne peut y avoir d'égalité , s'il n'y a pas au moins deux temps. Et dans la symétrie des membres qui composent les strophes lyriques ou périodes; et forment les vers , par quel moyen secret retrouve-t-on l'égalité ? N'est-ce pas en faisant s'accorder dans la mesure le petit et le grand nombre par des pieds équivalents, pour les strophes, et, pour les vers, en cherchant dans les propriétés des nombres2, des principes mystérieux qui relient les deux hémistiches inégaux et établissent entre eux un rapport d'égalité ?
