24.
Le M. N'est-il pas à craindre qu'on vienne à penser que ces pieds doivent toute leur harmonie à l'ordre dans lequel ils se suivent, et que, cet ordre changé, ils n'offriraient plus la même égalité dans les sons? — L’E. Cet ordre y contribue sans doute, mais il est facile de résoudre la question par l'expérience. — Le M. Fais-la donc quand tu en trouveras le loisir, et tu verras que ton oreille est charmée par une variété infinie dans une égalité absolue. — L’E. Je le veux bien, quoiqu'on puisse aisément prévoir, d'après l'exemple précédent, qu'on arrivera nécessairement à cette conséquence. — Le M. Tu as bien raison: mais, pour en venir à notre sujet, je vais en battant la mesure, reprendre cette succession de pieds; tu pourras ainsi juger si leur marche est oui ou non défectueuse, et en même temps constater que le changement d'ordre ne produit aucun trouble dans leurs rapports, comme nous l'avons annoncé d'avance. Voyons, change l'ordre, dispose ces pieds comme il te plaira et laisse-moi prononcer -et marquer la mesure. — L’E. Voici l'ordre que je souhaite : un ionique mineur, un ionique majeur, un choriambe, un diiambe, un antispaste, un ditrochée, un molosse. — Le M. Applique ton oreille au son et fixe tes yeux sur le battement de la mesure. Car il ne suffit pas d'entendre, il faut voir la main, quand elle bat la mesure, et observer avec attention le nombre de temps que comprend le levé et le posé. — L’E. Je suis tout yeux et tout oreilles. — Le M. Voici la combinaison que tu m'as demandée avec accompagnement de la mesure
Moderatas, concedere, percipies, benignitas, volet justa, civitasque, virtutes1.
L’E. Je vois bien que la mesure est parfaitement juste et que le levé est exactement le même que le posé; une chose m'étonne, c'est que tu aies pu -faire rentrer dans cette mesure des pieds -qui se divisent selon le rapport de 1 à 2, comme les deux ioniques et le molosse.
— Le M. N'est-ce pas naturel, puisqu'il y a dans ces pieds trois temps pour le levé et trois pour le posé? — L’E. Tout ce que je remarque, c'est que la syllabe longue, qui est la seconde dans l'ionique majeur et le molosse, la troisième dans l'ionique mineur, se trouve dédoublée par le battement des deux temps qu'elle renferme; l'un reste dans la première partie, l'autre est reporté sur la seconde, et de cette façon le levé et le posé ont chacun trois temps.
Ces mots n'offrent aucun sens : ce sont des mesures musicales exprimées à l'aide des mots, voilà tout. ↩
