CHAPITRE XVI. DES PASSAGES QUI RENFERMENT QUELQUE PRÉCEPTE.
24. Une expression n'est pas figurée, quand elle renferme un précepte qui défend l'intempérance ou l'injustice, qui commande l'utilité ou la bienfaisance. Elle l'est, au contraire, dans le cas où elle semble commander le mal et défendre le bien. « Si vous ne mangez, » dit le Sauveur, « la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous 1. » N'est-ce pas là, en apparence, commander un crime? C'est donc ici une figure par laquelle nous est imposé le devoir de participer à la passion du Sauveur, et de conserver le doux et salutaire souvenir de sa chair couverte de plaies; et attachée pour nous à la croix. L'Ecriture dit : « Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger; s'il a soif, donne-lui à boire. » C'est là sans nul doute prescrire la bienfaisance. Mais, dans ce qui suit : « En faisant ainsi, tu amasseras sur sa tête des charbons ardents 2, » vous verrez peut-être un précepte de vengeance. Croyez donc que ce passage renferme une figure. Comme il prête à une double interprétation, l'une pour le bien et l'autre pour le mal, la charité doit vous faire adopter de préférence la première, et vous faire voir dans ces charbons ardents les larmes brûlantes de la pénitence, qui. guérissent de son orgueil celui qui s'afflige d'avoir été l'ennemi d'un homme qui a daigné soulager sa misère. De même quand le Seigneur dit : « Celui qui aime sa vie la perdra 3; » il est loin de défendre l'utilité propre qui nous oblige de veiller à la conservation de notre vie. « Perdre sa vie » est une locution figurée dont le sens est qu'on doit renoncer à l'usage criminel et déréglé qu'on en fait maintenant, usage qui tient courbé vers les biens de la terre et empêche d'aspirer à ceux de l'éternité. Ailleurs il est écrit : « Fais miséricorde, et ne reçois pas le pécheur 4. » La seconde partie de cette maxime paraît défendre la bienfaisance. Mais ici le « pécheur » a été mis par métaphore pour le « péché » et ce qui nous est prescrit, c'est de ne pas prendre part au péché du pécheur.