36.
Quoiqu'il en soit, n'oublions pas le principe établi précédemment: ce n'est point par des opérations successives de son intelligence ou par des mouvements physiques que Dieu agit, comme ferait un ange ou un homme; son activité s'exerce selon les idées éternelles, immuables, constantes, de son Verbe coéternel, et par la fécondité, si j'ose ainsi dire, du Saint-Esprit, qui lui est également coéternel. Il est dit, dans les traductions grecque et latine que « l'Esprit a de Dieu était porté sur les eaux; » mais d'après le syriaque, langue de la même famille que l’hébreu, on doit plutôt entendre qu'il les échauffait, fovebat : c'est l'interprétation d'un savant chrétien de la Syrie. Ce mot ne rappelle pas les fomentations à l'eau froide où chaude qu'on emploie pour guérir les fluxions ou les plaies 1 : il exprime une sorte d'incubation, qu'on pourrait comparer à celle des oiseaux fécondant leurs oeufs, quand la mère, obéissant à l'instinct de la tendresse, communique sa chaleur à ses petits pour les faire éclore. N'allons donc pas nous imaginer, par un grossier matérialisme, que Dieu ait prononcé des paroles humaines à chaque création des six jours. Ce n'est point dans ce huit que la Sagesse même de Dieu a revêtu nos faiblesses; si elle est venue rassembler les fils de Jérusalem, comme la poule réunit sa couvée sous les ailes 2, ce n'est pas pour nous laisser dans une éternelle enfance, mais pour empêcher d'être enfants par la malice et jeunes de discernement 3.
Les topiques froids étaient d'un fréquent usage dans la médecine antique : Celse les décrit : Horace s'y condamna. Qu’on ne s'étonne pas voir saint Augustin en parler ici; il aime à prévenir les interprétations que des esprits illettrés ou grossiers.tels que les Manichéens pouvaient donner à sa pensée. Le métaphysicien qui s'adresse aux philosophes, est en même temps un évêque accoutumé à parler au peuple et à s’abaisser jusque dans son langage, pour s’élever à la grandeur des vérités chrétiennes : c'est un des traits de son génie. ↩
Matt. XXIII, 37. ↩
I Cor. XIV, 20. ↩
