CHAPITRE XXVII.
MANIÈRE PLUS COURTS D’INSTRUIRE UN CATÉCHUMÈNE.
- Trouves-tu que j’aie passé trop de temps à instruire le catéchumène que je me figurais avoir sous les yeux? Tu peux être plus court, et je crois qu’on ne doit pas être plus long. Observons néanmoins que les auditeurs présents réclament parfois plus que n’exige la fonction sacrée en elle-même. Lors donc qu’il faut être court, vois comme il est facile de tout dire en peu de mots.
Suppose encore une fois que tu es visité par un homme qui demande à devenir chrétien ; tu l’as interrogé et il t’a répondu comme l’autre, car s’il n’avait pas répondu de la sorte, il faudrait l’avertir d’y répondre. Voici maintenant comme toutes les vérités se peuvent enchaîner :
Oui, mon frère, elle est grande, elle est réelle la félicité promise aux saints dans la vie future. Tout ce qui est visible, passe ; toute la pompe du siècle, toutes ses délices et toutes ses curiosités s’évanouiront et entraîneront dans leur ruine leurs malheureux amants. C’est de cette ruine, c’est-à-dire des peines éternelles, que Dieu, dans sa miséricorde, a voulu préserver les hommes, pourvu qu’ils ne demeurent pas leurs propres ennemis et qu’ils ne résistent pas à la tendresse de leur Créateur; et dans ce dessein il leur a envoyé son Fils unique, son Verbe égal à lui-même, le Verbe par qui il a tout fait. Tout en conservant sa divinité, sans quitter le sein de son Père et sans changer en quoi que ce soit, ce Verbe, en venant parmi les hommes, s’est rendu visible à leurs yeux en se faisant homme et en revêtant une chair mortelle. Par là, de même que par un seul homme, le premier homme ou Adam succombant devant sa femme que le serpent avait séduite, et transgressant avec elle le commandement divin, la mort est entrée dans ce monde; ainsi, par un seul homme encore, lequel est tout à la fois Dieu et Fils de Dieu, par Jésus-Christ, une fois tous leurs anciens péchés effacés, ses fidèles pourront entrer dans l’éternelle vie1.
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Aussi bien, tout ce que tu vois maintenant dans l’Eglise, tout ce qui se fait au nom du Christ par tout l’univers, est prédit depuis bien des siècles; nous voyons ce que nous lisons, c’est ce qui affermit notre foi. Le déluge autrefois se répandit sur toute la terre, afin de là débarrasser des pécheurs ; en y échappant dans l’arche, Noé et sa famille n’étaient-ils pas un symbole de l’Eglise à venir, puisqu’aujourd’hui elle vogue sur les flots du siècle et se sauve du naufrage en s’appuyant sur le bois de la croix du Christ? Il fut prédit à Abraham, ce fidèle serviteur de Dieu, que tout seul qu’il était, il deviendrait le père d’un peuple entier, appelé à adorer le seul vrai Dieu au milieu de toutes les autres nations courbées devant les idoles; d’autres prédictions furent adressées à ce peuple, et toutes se sont accomplies exactement, A ce peuple il fut annoncé que de la race d’Abraham naîtrait selon la chair le Christ, le Roi de tous les saints, Dieu enfin, pour élever à la dignité d’enfants d’Abraham tous ceux qui imiteraient la foi d’Abraham: c’est ce qui s’est accompli; le Christ est né de la Vierge Marie, l’une des descendantes du patriarche. Les prophètes prédirent aussi qu’il serait attaché à la croix par ce même peuple juif dont il était issu en tant qu’homme : ce qui s’est accompli. Il fut prédit qu’il ressusciterait, il est ressuscité. Conformément encore aux prédictions des prophètes,il est monté au ciel et a envoyé l’Esprit-Saint à ses disciples. Ces mêmes prophètes et Notre Seigneur Jésus-Christ ont prédit que son Église se répandrait dans tout l’univers, qu’elle y serait comme semée par les martyres et les souffrances des saints, et-ils ont prédit cela à l’époque où son nom était tout à la fois ignoré des gentils et tourné en dérision partout où il était connu. Or, grâce à ses miracles, tant à ceux qu’il a faits par lui-même qu’à ceux qu’il a faits par ses serviteurs, aujourd’hui qu’on publie ces prédictions et qu’on y croit, nous en voyons l’accomplissement ; nous voyons même les rois du monde, jadis persécuteurs des chrétiens, courbés maintenant sous le nom du Christ. Il a été prédit encore que de son Eglise sortiraient des schismes et des hérésies, qui partout où ils le pourraient, chercheraient en son nom, non pas sa gloire, mais la leur: nous voyons également l’accomplissement de ces prédictions.
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Ne doit-on pas en conclure que ce qui [87] reste s’accomplira aussi? Si les premières prédictions se sont réalisées, les dernières se réaliseront; oui viendront les afflictions encore réservées aux justes; viendra aussi ce jour du jugement qui séparera, au moment de la résurrection des morts, les impies des saints, non-seulement les impies qui sont en dehors de l’Eglise du Christ, mais encore ceux qui en sont comme la paille et qu’elle doit endurer avec une invincible patience jusqu’à ce qu’il les vanne enfin et les jette dans le feu qui leur est dû. Quant à ces hommes qui se moquent de la résurrection, qui s’imaginent que cette chair, une fois pourrie, ne saurait se. ranimer, ils la reprendront pour leur malheur, et Dieu leur montrera qu’après avoir pu créer les corps quand ils n’existaient pas, il peut en un clin d’oeil les rétablir tels qu’ils étaient. Pour les fidèles qui doivent régner avec le Christ, ils mériteront, en ressuscitant, d’être transformés, d’être incorruptibles comme les anges, de devenir égaux aux anges2, pour le louer sans fatigue aucune et sans aucun dégoût, pour vivre éternellement en lui et de lui, avec tant de joie, avec tant de bonheur, que l’homme ne saurait ni dire ni se figurer rien de semblable.
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Fortement convaincu de ces vérités, prends garde, aux tentations, car le démon cherche à se faire des compagnons d’infortune. Que cet ennemi ne parvienne ni à te séduire par le moyen de ceux qui sont en dehors de l’Eglise, païens, juifs ou hérétiques; ni à te faire imiter ceux qui, devant toi et au sein de l’Eglise catholique, se conduisent mal, s’abandonnent sans frein aux plaisirs de la bouche et du ventre, à l’impudicité, aux vaines et désordonnées curiosités, des spectacles, des enchantements et des présages des démons. Tu les imiterais en t’environnant des pompes et des folles grandeurs de l’avarice et de l’orgueil, ou en menant une vie que condamne et punit la loi divine. Joins-toi plutôt aux bons chrétiens, et tu en découvriras aisément si tu es bon toi-même. Adorez Dieu ensemble et aimez-le d’un amour pur; il sera toute notre récompense, lorsque dans cette autre vie nous jouirons de sa bonté et de ses charmes. Il faut l’aimer, toutefois, non pas comme on aime ce qui est visible, mais comme on aime la sagesse, la vérité, la sainteté, la justice, la charité et autres perfections semblables, considérées, non pas telles qu’elles sont dans l’homme, mais telles qu’elles sont dans la source même de l’incorruptible et immuable sagesse.
A tous ceux donc que tu verras remplis d’amour pour ces perfections, unis-toi, afin de te réconcilier avec Dieu par le Christ, qui s’est incarné pour devenir médiateur entre Dieu et les hommes. Quant aux méchants, tout en les voyant pénétrer dans l’enceinte de l’Eglise, si toutefois ils y pénètrent, ne crois pas qu’ils entreront dans le royaume des cieux.; s’ils ne se convertissent, ils seront rejetés chacun en son temps. Ainsi, prends les bons pour modèles, tolère les méchants, aime tout le monde; car tu ignores ce que sera demain celui qui est aujourd’hui mauvais. N’aime pas dans les méchants leur injustice ; aime leur personne pour qu ils deviennent bons Il ne nous est pas commandé seulement d’aimer Dieu, mais encore d’aimer le prochain, deux préceptes qui résument toute la loi3. Or, on n’accomplit cette loi qu’après avoir reçu le don de Dieu, l’Esprit-Saint égal au Père et au Fils, car les trois personnes ne font qu’un seul Dieu. C’est en lui qu’il faut placer notre espoir, et non pas dans l’homme, quelque mérite qu’il ait d’ailleurs. Quelle différence, effectivement, entre Celui qui nous justifie, et ceux qui sont justifiés avec nous?
De plus, la cupidité seule ne sert pas au diable d’instrument pour nous tenter; il nous tente encore en nous inspirant la crainte des dérisions, des souffrances et même de,la mort. Néanmoins, plus l’homme souffre pour le nom du Christ et pour l’espoir de la vie éternelle, quand il reste fidèle au milieu de ses afflictions, plus sera grande sa récompense; au lieu qu’en succombant devant le diable, il partagera sa damnation. Or, les oeuvres de miséricorde, jointes à une pieuse humilité, obtiennent de Dieu pour ses serviteurs la grâce de n’être pas tentés au-dessus de leurs forces4.