CHAPITRE X. L'AVEUGLEMENT DES AVARES.
Les yeux ne peuvent sonder l'horrible profondeur de l'avarice, mais l'esprit la mesure en sûreté. Nous avons vu des avares aveugles; qu'on me dise ce qui les rend aveugles. Qu'il possède ou qu'il ne possède pas, l'avare est un aveugle. Pourquoi? Parce que, dès là qu'il croit posséder il est aveugle. C'est sa croyance qui le rend riche, il est donc riche parce qu'il croit l'être et non parce qu'il le voit. Combien plus sûrement la foi nous élève vers Dieu ! Vous ne voyez pas ce que vous possédez, et c'est Dieu même que je vous prêche. Vous ne voyez pas encore; aimez et vous verrez. Aveugle que vous êtes, vous aimez l'argent que vous ne verrez jamais. Vous possédez en aveugle, vous mourrez en aveugle, et vous laisserez ici-bas ce que vous y possédez. Même pendant votre vie, vous ne possédiez pas, puisque vous ne voyiez pas ce que vous aviez.
11. Et sur Dieu, que vous est-il dit? Ecoutez ce mot de la sagesse; aimez Dieu «comme «l'argent1 ». C'est une infamie et un outrage de comparer la sagesse à l'argent : mais ici on se contente de comparer l'amour à l'amour. En effet je vous vois épris d'un tel amour pour là richesse que sur son ordre vous entreprenez les travaux les' plus pénibles, vous supportez le jeûne, vous traversez la mer, vous vous confiez aux vents et aux flots. Je sais ce que vous pourriez aimer, mais je ne sais pas ce que je pourrais ajouter à l'amour qui vous possède. Aimez-moi de cette manière, je ne ceux pas être aimé davantage, dit le Seigneur.
C'est aux hommes injustes et avares que je m'adresse : vous aimez l'argent, rendez-moi le même amour. Sans doute je suis infiniment supérieur à la richesse, mais je ne vous demande qu'un amour égal; aimez-moi, autant que vous aimez l'argent. Du moins rougissons de honte, confessons notre crime et frappons-nous la poitrine, au lieu d'étendre sur nos péchés un pavé de pierre ou de marbre. Celui qui frappe sa poitrine et ne se corrige pas, consolide ses péchés et ne les détruit pas. Frappons notre poitrine, blessons-nous, corrigeons-nous nous-mêmes, si nous ne voulons pas que celui qui est notre maître nous frappe à son tour. Jusque-là nous avons dit ce que nous devons apprendre, disons maintenant pourquoi nous devons l'apprendre.
Prov. II, 4. ↩
