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De civitate Dei (CCSL)
Caput XXXI: De opinionibus Varronis, qui reprobata persuasione populari, licet ad notitiam ueri dei non peruenerit, unum tamen deum colendum esse censuerit.
Quid ipse Varro, quem dolemus in rebus diuinis ludos scaenicos, quamuis non iudicio proprio, posuisse, cum ad deos colendos multis locis uelut religiosus hortetur, nonne ita confitetur non se illa iudicio suo sequi, quae ciuitatem Romanam instituisse commemorat, ut, si eam ciuitatem nouam constitueret, ex naturae potius formula deos nominaque eorum se fuisse dedicaturum non dubitet confiteri? sed iam quoniam in uetere populo esset, acceptam ab antiquis nominum et cognominum historiam tenere, ut tradita est, debere se dicit, et ad eum finem illa scribere ac perscrutari, ut potius eos magis colere quam despicere uulgus uelit. quibus uerbis homo acutissimus satis indicat non se aperire omnia, quae non sibi tantum contemptui essent, sed etiam ipsi uulgo despicienda uiderentur, nisi tacerentur. ego ista conicere putari debui, nisi euidenter alio loco ipse diceret de religionibus loquens multa esse uera, quae non modo uulgo scire non sit utile, sed etiam, tametsi falsa sunt, aliter existimare populum expediat, et ideo Graecos teletas ac mysteria taciturnitate parietibus que clausisse. hic certe totum consilium prodidit uelut sapientium, per quos ciuitates et populi regerentur. hac tamen fallacia miris modis maligni daemones delectantur, qui et deceptores et deceptos pariter possident, a quorum dominatione non liberat nisi gratia dei per Iesum Christum dominum nostrum. dicit etiam idem auctor acutissimus atque doctissimus, quod hi soli ei uideantur animum aduertisse quid esset deus, qui crediderunt eum esse animam motu ac ratione mundum gubernantem ac per hoc, etsi nondum tenebat quod ueritas habet - deus enim uerus non anima, sed animae quoque est effector et conditor - , tamen si contra praeiudicia consuetudinis liber esse posset, unum deum colendum fateretur atque suaderet, motu ac ratione mundum gubernantem, ut ea cum illo de hac re quaestio remaneret, quod eum diceret esse animam, non potius et animae creatorem. dicit etiam antiquos Romanos plus annos centum et septuaginta deos sine simulacro coluisse. quod si adhuc, inquit, mansisset, castius di obseruarentur. cui sententiae suae testem adhibet inter cetera etiam gentem Iudaeam; nec dubitat eum locum ita concludere, ut dicat, qui primi simulacra deorum populis posuerunt, eos ciuitatibus suis et metum dempsisse et errorem addidisse, prudenter existimans deos facile posse in simulacrorum stoliditate contemni. quod uero non ait errorem tradiderunt, sed addiderunt, iam utique fuisse etiam sine simulacris uult intellegi errorem. quapropter cum solos dicit animaduertisse quid esset deus qui eum crederent animam mundum gubernantem, castiusque existimat sine simulacris obseruari religionem, quis non uideat quantum propinquauerit ueritati? si enim aliquid contra uetustatem tanti posset erroris, profecto et unum deum, a quo mundum crederet gubernari, et sine simulacro colendum esse censeret; atque in tam proximo inuentus facile fortasse de animae mutabilitate commoneretur, ut naturam potius incommutabilem, quae ipsam quoque animam condidisset, deum uerum esse sentiret. haec cum ita sint, quaecumque tales uiri in suis litteris multorum deorum ludibria posuerunt, confiteri ea potius occulta dei uoluntate conpulsi sunt quam persuadere conati. si qua igitur a nobis inde testimonia proferuntur, ad eos redarguendos proferuntur, qui nolunt aduertere de quanta et quam maligna daemonum potestate nos liberet singulare sacrificium tam sancti sanguinis fusi et donum spiritus inpertiti.
Traduction
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La cité de dieu
CHAPITRE XXXI.
VARRON A REJETÉ LES SUPERSTITIONS POPULAIRES ET RECONNU QU’IL NE FAUT ADORER QU’UN SEUL DIEU, SANS ÊTRE PARVENU TOUTEFOIS A LA CONNAISSANCE DU DIEU VÉRITABLE.
Varron, que nous avons vu au reste, et non sans regret, se soumettre à un préjugé qu’il n’approuvait pas, et placer les jeux scéniques au rang des choses divines, ce même Varron ne confesse-t-il point dans plusieurs passages, où il recommande d’honorer les dieux, que le culte de Rome n’est point un culte de son choix, et que, s’il avait à fonder une nouvelle république, il se guiderait, pour la consécration des dieux et des noms des dieux, sur les lois de la nature ? Mais étant né chez un peuple déjà vieux, il est obligé, dit-il, de s’en tenir aux traditions de l’antiquité; et son but, en recueillant les noms et les surnoms des dieux, c’est de porter le peuple à la religion, bien loin de la lui rendre méprisable. Par où ce pénétrant esprit nous fait assez comprendre que dans son livre sur la religion il ne dit pas tout, et qu’il a pris soin de taire, non-seulement ce qu’il trouvait déraisonnable, mais ce qui aurait pu le paraître au peuple. On pourrait prendre ceci pour une conjecture, si Varron lui-même, parlant ailleurs des religions, ne disait nettement qu’il y a des vérités que le peuple ne doit pas savoir, et des impostures qu’il est bon de lui inculquer comme des vérités. C’est pour cela, dit-il, que les Grecs ont caché leurs mystères et leurs initiations dans le secret des sanctuaires. Varron nous livre ici toute la politique de ces législateurs réputés sages, qui ont jadis gouverné les cités et les peuples; et cependant rien n’est plus fait que cette conduite artificieuse pour être agréable aux démons, à ces esprits de malice qui tiennent également en leur puissance et ceux qui trompent et ceux qui sont trompés, sans qu’il y ait un autre moyen d’échapper à leur joug que la grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur.
Ce même auteur, dont la pénétration égale la science, dit encore que ceux-là seuls lui semblent avoir compris la nature de Dieu, qui ont reconnu en lui l’âme qui gouverne le monde par le mouvement et l’intelligence1. On peut conclure de là que, sans posséder encore la vérité, car le vrai Dieu n’est pas une âme, mais le Créateur de l’âme, Varron toutefois, s’il eût pu secouer le joug de la coutume, eût reconnu et proclamé qu’on ne doit adorer qu’un seul Dieu qui gouverne le monde par le mouvement et l’intelligence; de sorte que toute la question entre lui et nous serait de lui prouver que Dieu n’est point une âme, mais le Créateur de l’âme. Il ajoute que les anciens Romains, pendant plus de cent soixante-dix ans, ont adoré les dieux sans en faire aucune image2. « Et si cet usage», dit-il, « s’était maintenu, le culte qu’on leur rend en serait plus pur et plus saint ». Il allègue même, entre autres preuves, à l’appui de son sentiment, l’exemple du peuple juif, et conclut sans hésiter que ceux qui ont donné les premiers au peuple les images des dieux, ont détruit la crainte et augmenté l’erreur, persuadé avec raison que le mépris des dieux devait être la suite nécessaire de l’impuissance de leurs simulacres. En ne disant pas qu’ils ont fait naître l’erreur, mais qu’ils l’ont augmentée, il veut faire entendre qu’on était déjà dans l’erreur à l’égard des dieux, avant même qu’il y eût des idoles. Ainsi, quand il soutient que ceux-là seuls ont connu la nature de Dieu, qui ont vu en lui l’âme du monde, et que la religion en serait plus pure, s’il n’y avait point d’idoles, qui ne voit combien il a approché de la vérité ? S’il avait eu quelque pouvoir contre une erreur enracinée depuis tant de siècles, je ne doute point qu’il n’eût recommandé d’adorer ce Dieu unique par qui il croyait le monde gouverné, et dont il voulait le culte pur de toute image; peut-être même, se trouvant si près de la vérité, et considérant la nature changeante de l’âme, eût-il été amené à reconnaître que le vrai Dieu, Créateur de l’âme elle-même, est un principe essentiellement immuable, S’il en est ainsi, on peut croire que dans les conseils de la Providence toutes les railleries de ces savants hommes contre la pluralité des dieux étaient moins destinées à ouvrir les yeux au peuple qu’à rendre témoignage à la vérité. Si donc nous citons leurs ouvrages, c’est pour y trouver une arme contre ceux qui s’obstinent à ne pas reconnaître combien est grande et tyrannique la domination des démons, dont nous sommes délivrés par le sacrifice unique du sang précieux versé pour notre salut, et par le don du Saint-Esprit descendu sur nous.