Edition
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De civitate Dei (CCSL)
Caput XXVIII: Quod doctrina Varronis de theologia in nulla sibi parte concordet.
Quid igitur ualet, quod uir doctissimus et acutissimus Varro uelut subtili disputatione hos omnes deos in caelum et in terram redigere ac referre conatur? non potest; fluunt de manibus, resiliunt, labuntur et decidunt. dicturus enim de feminis, hoc est deabus: quoniam, inquit, ut primo libro dixi de locis, duo sunt principia deorum animaduersa de caelo et terra, a quo di partim dicuntur caelestes, partim terrestres: ut in superioribus initium fecimus a caelo, cum diximus de Iano, quem alii caelum, alii dixerunt esse mundum, sic de feminis scribendi facimus initium a Tellure. sentio quantam molestiam tale ac tantum patiatur ingenium. ducitur enim quadam ratione uerisimili, caelum esse quod faciat, terram quae patiatur, et ideo illi masculinam uim tribuit, huic feminam, et non adtendit eum potius esse qui haec facit, qui utrumque fecit. hinc etiam Samothracum nobilia mysteria in superiore libro sic interpretatur eaque se, quae nec suis nota sunt, scribendo expositurum eisque missurum quasi religiosissime pollicetur. dicit enim se ibi multis indiciis collegisse in simulacris aliud significare caelum, aliud terram, aliud exempla rerum, quas Plato appellat ideas; caelum Iouem, terram Iunonem, ideas Mineruam uult intellegi; caelum a quo fiat aliquid, terram de qua fiat, exemplum secundum quod fiat. qua in re omitto dicere, quod Plato illas ideas tantam uim habere dicit, ut secundum eas non caelum aliquid fecerit, sed etiam caelum factum sit. hoc dico, istum in hoc libro selectorum deorum rationem illam trium deorum, quibus quasi cuncta conplexus est, perdidisse. caelo enim tribuit masculos deos, feminas terrae; inter quas posuit Mineruam, quam supra ipsum caelum ante posuerat. deinde masculus deus Neptunus in mari est, quod ad terram potius quam ad caelum pertinet. Dis pater postremo, qui Graece πλούτων dicitur, etiam ipse masculus frater amborum terrenus deus esse perhibetur, superiorem terram tenens, in inferiore habens Proserpinam coniugem. quomodo ergo deos ad caelum, deas ad terram referre conantur? quid solidum quid constans, quid sobrium quid definitum habet haec disputatio? illa est autem Tellus initium dearum, Mater scilicet Magna, apud quam mollium et abscisorum seseque secantium atque iactantium insana perstrepit turpitudo. quid est ergo quod dicitur caput deorum Ianus, caput dearum Tellus? nec ibi facit unum caput error, nec hic sanum furor. cur haec frustra referre nituntur ad mundum? quod etsi possent, pro deo uero mundum nemo pius colit; et tamen eos nec hoc posse ueritas aperta conuincit. referant haec potius ad homines mortuos et ad daemones pessimos, et nulla quaestio remanebit.
Übersetzung
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La cité de dieu
CHAPITRE XXVIII.
LA THÉOLOGIE DE VARRON PARTOUT EN CONTRADICTION AVEC ELLE-MÊME.
Que sert au savant et ingénieux Varron de se consumer en subtilités pour rattacher tous les dieux païens au ciel et à la terre? Vains efforts! ces dieux lui échappent des mains; ils s’écoulent, glissent et tombent. Voici en quels termes il commence son exposition des divinités femelles ou déesses : « Ainsi que je l’ai dit en parlant des dieux au premier livre, les dieux ont deux principes, savoir: le ciel et la terre, ce qui fait qu’on les a divisés en dieux célestes et dieux terrestres. Dans les livres précédents j’ai commencé par le ciel, c’est-à-dire par Janus, qui est le ciel pour les uns et le monde pour les autres; dans celui-ci je commencerai par la déesse Tellus ». Ainsi parle Varron, et je crois sentir ici l’embarras qu’éprouve ce grand génie. Il est soutenu par quelques analogies assez vraisemblables, quand il fait du ciel le principe actif, de la terre le principe passif, et qu’il rapporte en conséquence la puissance masculine à celui-là et la féminine à celle-ci; mais il ne prend pas garde que le vrai principe de toute action et de toute passion, de tout phénomène terrestre ou céleste, c’est le Créateur de la terre et du ciel. Varron ne paraît pas moins aveuglé au livre précédent, où il prétend donner .l’explication des fameux mystères de Samothrace, et s’engage avec une sorte de solennité pieuse à révéler à ses concitoyens des choses inconnues. A l’entendre, il s’est assuré par un grand nombre d’indices que, parmi les statues des dieux, l’une est le symbole du ciel, l’autre celui de la terre; une autre est l’emblème de ces exemplaires des choses que Platon appelle idées. Dans Jupiter il voit le ciel, la terre dans Junon et les idées dans Minerve; le ciel est le principe actif des choses; la terre, le principe passif, et les idées en sont les types. Je ne rappellerai pas ici l’importance supérieure que Platon attribue aux idées (à ce point que, suivant lui, le ciel, loin d’avoir rien produit sans idées, a été lui-même produit sur le modèle des idées1); je remarquerai seulement que Varron, dans son livre des dieux choisis, perd de vue cette doctrine des trois divinités auxquelles il avait réduit tout le reste. En effet, il rapporte au ciel les dieux et à la terre les déesses, parmi lesquelles il range Minerve, placée tout à l’heure au-dessus du ciel. Remarquez encore que Neptune, divinité mâle, a pour demeure la mer, laquelle fait partie de la terre plutôt que du ciel. Enfin, Dis, le Pluton des Grecs, frère de Jupiter et de Neptune, habite la partie supérieure du ciel, laissant la partie inférieure à son épouse Proserpine; or, que devient ici la distribution faite plus haut qui assignait le ciel aux dieux et la terre aux déesses ? où est la solidité de ces théories, où en est la conséquence, la précision, l’enchaînement? La suite des déesses commence par Tellus, la grande Mère, autour de laquelle s’agite bruyamment cette foule insensée d’hommes sans sexe et sans force qui se mutilent en son honneur; la tête des dieux c’est Janus, comme Tellus est la tête des déesses. Mais quoi ! la superstition multiplie la tête du dieu, et la fureur trouble celle de la déesse. Que de vains efforts pour rattacher tout cela au monde! et à quoi bon, puisque l’âme pieuse n’adorera jamais le monde à la place du vrai Dieu? L’impuissance des théologiens est donc manifeste, et il ne leur reste plus qu’à rapporter ces fables à des hommes morts et à d’impurs démons; à ce prix toute difficulté disparaîtra.
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Voyez le Timée où Platon nous montre en effet l’artiste suprême formant le ciel et la terre, tous les êtres en un mot, sur le modèle des idées (tome XI de la trad. franç., page 416 et suiv.). Même doctrine dans la République, livre, VI et VII, et dans les Lois, livre X. ↩