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The City of God
Chapter 6.--Of the Error of Human Judgments When the Truth is Hidden.
What shall I say of these judgments which men pronounce on men, and which are necessary in communities, whatever outward peace they enjoy? Melancholy and lamentable judgments they are, since the judges are men who cannot discern the consciences of those at their bar, and are therefore frequently compelled to put innocent witnesses to the torture to ascertain the truth regarding the crimes of other men. What shall I say of torture applied to the accused himself? He is tortured to discover whether he is guilty, so that, though innocent, he suffers most undoubted punishment for crime that is still doubtful, not because it is proved that he committed it, but because it is not ascertained that he did not commit it. Thus the ignorance of the judge frequently involves an innocent person in suffering. And what is still more unendurable--a thing, indeed, to be bewailed, and, if that were possible, watered with fountains of tears--is this, that when the judge puts the accused to the question, that he may not unwittingly put an innocent man to death, the result of this lamentable ignorance is that this very person, whom he tortured that he might not condemn him if innocent, is condemned to death both tortured and innocent. For if he has chosen, in obedience to the philosophical instructions to the wise man, to quit this life rather than endure any longer such tortures, he declares that he has committed the crime which in fact he has not committed. And when he has been condemned and put to death, the judge is still in ignorance whether he has put to death an innocent or a guilty person, though he put the accused to the torture for the very purpose of saving himself from condemning the innocent; and consequently he has both tortured an innocent man to discover his innocence, and has put him to death without discovering it. If such darkness shrouds social life, will a wise judge take his seat on the bench or no? Beyond question he will. For human society, which he thinks it a wickedness to abandon, constrains him and compels him to this duty. And he thinks it no wickedness that innocent witnesses are tortured regarding the crimes of which other men are accused; or that the accused are put to the torture, so that they are often overcome with anguish, and, though innocent, make false confessions regarding themselves, and are punished; or that, though they be not condemned to die, they often die during, or in consequence of, the torture; or that sometimes the accusers, who perhaps have been prompted by a desire to benefit society by bringing criminals to justice, are themselves condemned through the ignorance of the judge, because they are unable to prove the truth of their accusations though they are true, and because the witnesses lie, and the accused endures the torture without being moved to confession. These numerous and important evils he does not consider sins; for the wise judge does these things, not with any intention of doing harm, but because his ignorance compels him, and because human society claims him as a judge. But though we therefore acquit the judge of malice, we must none the less condemn human life as miserable. And if he is compelled to torture and punish the innocent because his office and his ignorance constrain him, is he a happy as well as a guiltless man? Surely it were proof of more profound considerateness and finer feeling were he to recognize the misery of these necessities, and shrink from his own implication in that misery; and had he any piety about him, he would cry to God "From my necessities deliver Thou me." 1
Ps. xxv. 17. ↩
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La cité de dieu
CHAPITRE VI.
DE L’ERREUR DES JUGEMENTS HUMAINS, QUAND LA VÉRITÉ EST CACHÉE.
Que dirons-nous de ces jugements que les hommes prononcent sur les hommes, et qui sont nécessaires à l’ordre social dans les cités même les plus paisibles? Triste et misérable justice, puisque ceux qui jugent ne peuvent lire dans la conscience de ceux qui sont jugés; et de là cette nécessité déplorable de mettre à la question des témoins innocents, pour tirer d’eux la vérité dans une cause qui leur est étrangère. Que dirai-je de la torture qu’on fait subir à l’accusé pour son propre fait? On veut savoir s’il est coupable et on commence par le torturer; pour un crime incertain, on impose, et souvent à un innocent, une peine certaine, non que l’on sache que le patient a commis le crime, mais parce qu’on ignore s’il l’a commis en effet? Ainsi, l’ignorance d’un juge est presque toujours la cause du malheur d’un innocent. Mais ce qui est plus odieux encore et ce qui demanderait une source de larmes, c’est que le juge, ordonnant la question de peur de faire mourir un innocent par ignorance, il arrive qu’il tue cet innocent par les moyens mêmes qu’il emploie pour ne point le faire mourir1. Si, en effet, d’après la doctrine des philosophes dont nous venons de parler, le patient aime mieux sortir de la vie que de souffrir plus longtemps la question, il dira qu’il a commis le crime qu’il n’a pas commis. Le voilà condamné, mis à mort, et cependant le juge ignore s’il a frappé un coupable ou un innocent, la question ayant été inutile pour découvrir son innocence, et n’ayant même servi qu’à le faire passer pour coupable. Parmi ces ténèbres de la vie civile, un juge qui est sage montera-t-il ou non sur le tribunal? il y montera sans doute ; car la société civile, qu’il ne croit pas pouvoir abandonner sans crime, lui en fait un devoir; et il ne pense pas que ce soit un crime de torturer des témoins innocents pour le fait d’autrui, ou de contraindre souvent un accusé par la violence des tourments à se déclarer faussement coupable et à périr comme tel, ou, s’il échappe à la condamnation, à mourir, comme il arrive le plus souvent, dans la torture même ou par ses suites2 ! Il ne pense pas non plus que ce soit un crime qu’un accusateur, qui n’a dénoncé un coupable que pour le bien public et afin que le désordre ne demeure pas impuni, soit envoyé lui-même au supplice, faute de preuves, parce que l’accusé a corrompu les témoins et que la question ne lui arrache aucun aveu Un juge ne croit pas mal faire en produisant un si grand nombre de maux, parce qu’il ne les produit pas à dessein, mais par une ignorance invincible et par une obligation indispensable de la société civile; mais si on ne peut l’accuser de malice, c’est toujours une grande misère qu’une obligation pareille, et si la nécessité l’exempte de crime, quand il condamne des innocents et sauve des coupables , osera-t-on l’appeler bienheureux ? Ah ! qu’il fera plus sagement de reconnaître et de haïr la misère où cette nécessité l’engage; et s’il a quelque sentiment de piété, de crier à Dieu: « Délivrez-moi de mes nécessités3 ! »
Il semble évident que Montaigne avait la Cité de Dieu sous les yeux en écrivant son beau passage contre les géhennes, où nous citerons particulièrement ce trait énergique, aiguisé à la saint Augustin .... D’où il advient que celui que le juge a gehenné pour ne le faire mourir innocent, il le face mourir innocent et gehenné ». (Essais, livre II, ch. 5). ↩
Cette protestation contre la torture, où Saint Augustin se montre si touchant et si fort dans sa modération supérieure de chrétien et d’évêque, est comme le prélude du cri éloquent de l’Esprit des lois: « ...Tant d’habiles gens et tant de beaux génies ont écrit contre cette pratique, que je n’ose parler après eux. J’allais dire qu’elle pourrait convenir dans les gouvernements despotiques, où tout ce qui inspire la crainte entre plus dans les ressorts du gouvernement j’allais dire que les esclaves, chez les Grecs et les Romains… Mais j’entends la voix de la nature qui crie contre moi. » (Livre VI, ch. 17). ↩
Ps. XXIV, 8. ↩