15.
Mais ici, peut-être, cette présomption humaine qui ignore la justice de Dieu et qui voudrait être à elle-même sa propre justification, applaudira à ces paroles de l'Apôtre: « Nul homme ne sera justifié par, la loi », prétendant que la loi se borne à nous montrer ce que nous devons faire, ou ce que nous devons éviter, de telle sorte que la volonté, par ses propres forces, accomplit ces prescriptions de la loi et se justifie elle-même, non point par l'autorité de la loi., mais par son libre arbitre. Mais, ô homme , remarquez donc ce qui suit : « Maintenant la justice de Dieu sans la loi, a été manifestée, elle a été attestée par la loi et par les prophètes ». A moins que vous ne soyez frappés de surdité, n'entendez-vous pas : « La justice de Dieu a été manifestée?» Cette justice est ignorée de tous ceux qui veulent établir leur justice propre, et ils repoussent cette oeuvre divine par excellence1. « La justice de Dieu », dit l'Apôtre, « a été manifestée »; il ne dit pas la justice de l'homme, ou la justice de la volonté propre. Il ne parle que de « la justice de Dieu », non pas de celle qui forme l'attribut. essentiel de Dieu, mais de celle dont Dieu revêt l'homme, lorsqu'il justifie l'impie. Cette justice est attestée par la loi et par les Prophètes; car la loi et les Prophètes lui rendent témoignage. La loi d'abord, car en commandant, en menaçant et en ne justifiant personne, elle fait assez connaître que c'est Dieu qui justifie l'homme par le secours et la grâce de l'Esprit-Saint. Les Prophètes ensuite, parce que la venue du Sauveur a réalisé ce qu'ils avaient prédit.
Aussi l'Apôtre ajoute aussitôt . « La justice de Dieu par la foi de Jésus-Christ », c'est-à-dire dire par la foi qui nous fait croire en Jésus-Christ. En parlant de la foi de Jésus-Christ nous n'entendons certes pas la foi par laquelle Jésus-Christ croit; de même la justice de Dieu ne signifie pas la justice par laquelle Dieu est juste. Il s'agit, en réalité, de notre foi et de notre justice, et pourtant nous disons la justice de Dieu et la foi de Jésus-Christ, parce que c'est de Dieu et de Jésus-Christ que nous recevons la justice et la foi. Ce qui a été manifesté, c'est donc la justice de Dieu sans la loi, ce qui ne veut pas dire qu'elle ait été manifestée sans la loi. En effet, comment pourrait-elle avoir été attestée par la loi. si elle avait été manifestée sans la loi? Nous appelons donc justice de Dieu sans la loi celle que Dieu, par l'esprit de grâce, confère au fidèle sans le secours de la loi, c'est-à-dire à celui qui croit sans être aidé par la loi. Est-ce que par la loi Dieu ne montre pas à l'homme sa faiblesse, afin de le déterminer à chercher, par la foi, son refuge et sa guérison dans son infinie miséricorde?
Il a été dit de la sagesse divine « qu'elle porte sur sa langue la loi et la miséricorde2» ; la loi, pour rendre coupables les orgueilleux, et la miséricorde pour justifier les humbles. Donc « cette justice de Dieu par la foi de Jésus-Christ, est donnée à tous ceux qui croient en lui, car il n'y a aucune distinction parmi les hommes. En effet, tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu » et non de leur propre gloire. Qu'ont-ils donc, qu'ils ne l'aient reçu ? Et s'ils l'ont reçu, pourquoi s'en glorifient-ils comme s'ils ne l'avaient pas reçu3? Ils ont donc besoin de la gloire de Dieu, et voyez la suite : « Etant justifiés gratuitement par sa grâce4 », ils ne sont donc justifiés ni par la loi, ni par leur propre volonté; mais « ils sont justifiés gratuitement par sa grâce », non pas, sans doute, en ce sens que notre volonté y reste entièrement étrangère; il suffit que sa faiblesse soit manifestée par la loi, afin que la grâce guérisse la volonté, et que la volonté guérie accomplisse la loi, sans qu'elle soit pour cela constituée sous le joug de la loi ou qu'elle ait besoin de la loi.