17.
Comment souffrir qu'ils nous accusent de dire: qu' « après la résurrection il s'opérera une telle perfection dans l'homme que nous commencerons à faire ce que nous n'avons pas voulu faire ici-bas, c'est-à-dire à observer «les commandements de Dieu? » Nous affirmons seulement que dans le ciel il n'y aura plus ni péché, ni combat contre la concupiscence; est-ce donc qu'ils oseraient le nier?
Au ciel nous posséderons dans tolite la perfection possible la sagesse et la connaissance de Dieu; nous éprouverons en Dieu une telle allégresse que nous jouirons d'une pleine et entière sécurité; quiconque nierait cette vérité s'obstinerait à fermer les yeux à la lumière pour ne point l'apercevoir. Or, cet heureux état ne sera point la matière d'un précepte, mais la récompense de la fidélité avec laquelle nous aurons ici-bas accompli les préceptes. Au ciel le mépris des préceptes n'est plus possible, mais ici-bas c'est la grâce de Dieu qui nous inspire le zèle pour les observer. Si quelques violations légères surviennent en nous à l'égard de ces préceptes, Dieu nous les pardonne en considération de cette humble prière : «Que votre volonté soit faite; pardonnez-nous nos offenses[^1] ». Ici-bas le précepte nous est imposé de ne pas pécher; au ciel nous aurons pour récompense de ne pouvoir plus pécher. Sur la terre le précepte nous est imposé de ne pas obéir aux désirs du péché ; au ciel notre récompense sera de ne plus avoir de désirs du péché. Sur la terre il nous est dit : «Comprenez donc, vous qui êtes insensés, et goûtez enfin la sagesse1». Au ciel la perfection de la sagesse et de la connaissance sera notre récompense. «Nous ne voyons maintenant que comme dans un miroir et en énigme, mais alors nous verrons face à face. Je ne connais maintenant qu'imparfaitement, mais alors «je connaîtrai comme je suis moi-même connu2 ». Sur la terre il nous est dit : « Tressaillez en Dieu notre secours3 »; «justes, tressaillez dans le Seigneur4 » ; au ciel nous aurons pour récompense de tressaillir d'une joie parfaite et ineffable. Enfin il nous est dit ici-bas : «Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car » pour récompense « ils seront rassasiés5 ». De quoi donc seront-ils rassasiés, si ce n'est de ce qui cause aujourd'hui leur faim et leur soif? N'est-ce donc pas heurter de front, je ne dis pas seulement la parole divine, mais le simple bon sens, que de soutenir que l'homme, sur, la terre où il est condamné à avoir faim et soif de la justice, peut posséder une justice aussi parfaite que quand il en sera rassasié ? Quand nous avons faim et soif de la justice, si la foi de Jésus-Christ veille en nous, de quoi avons-nous faim et soif, si ce n'est de Jésus-Christ? En effet, c'est lui qui nous a été donné de « Dieu pour être notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption, afin que, selon qu'il est écrit, celui qui se glorifie ne se glorifie que dans le Seigneur[^7] ». Sur la terre nous croyons en lui sans le voir, voilà pourquoi nous avons faim et soif de la justice. En effet, pendant que nous habitons dans ce corps, nous sommes éloignés du Seigneur, car ce n'est que par la foi que nous marchons sans jouir encore d'une vue claire6. Quand il nous sera donné de le voir, nous serons arrivés à la réalité des choses et nous tressaillerons d'une joie inénarrable7. Alors nous serons rassasiés de la justice; ne lui disons-nous pas dans un pieux désir : «Je serai rassasié quand votre gloire me sera manifestée8? »
- Matt. VI, 10, 12.
- I Cor. I, 30, 31.