4.
S'il en est ainsi, qu'importe à ces nouveaux hérétiques, ennemis de la croix de Jésus-Christ et de la divine grâce, de paraître sains de tout contact avec l'hérésie des Manichéens, des qu'ils sont eux-mêmes atteints d'une autre maladie mortelle ? Qu'importe qu'ils disent en l'honneur de la créature, « que tous ceux qui naissent sont créés par un Dieu bon, par qui tout a été fait, et que les enfants des hommes sont son œuvre », au lieu d'être l'œuvre du prince des ténèbres, comme l'affirment les Manichéens ? pour les uns comme pour les autres, est-ce que la créature de Dieu, telle qu'elle se trouve dans les enfants, n'est point condamnée à périr éternellement ? En effet, les uns et les autres soutiennent qu'elle n'est point délivrée par la chair et par le sang de Jésus Christ. Comment le serait-elle aux yeux des Manichéens, puisqu'ils nient que le Verbe ait revêtu la chair et le sang de l'homme ou dans l'homme ? Comment le serait-elle aux yeux des Pélagiens, puisqu'ils nient dans les enfants l'existence de tout mal originel, dont ils aient à obtenir la délivrance par le sacrement de la chair et du sang de Jésus-Christ ? C'est ainsi qu'entre les uns et les autres gît la nature humaine des enfants, bonne par son institution, viciée par sa propagation ; par les biens qu'elle possède confessant la bonté de son Créateur, par les maux qui l'obsèdent cherchant un miséricordieux rédempteur ; entendant les Manichéens mépriser les biens qui lui restent, et les Pélagiens nier les maux dont elle est la victime, tous enfin se faisant ses persécuteurs. Trop jeune encore, cette nature enfantine ne saurait parler, mais dans son silence et cachée sous sa faiblesse, elle interpelle l'impie vanité des uns et des autres, et dit aux uns : Croyez que je suis créée par Celui qui crée tous les biens ; et aux autres : Croyez que je suis guérie par Celui qui m'a créée. Le manichéen répond : Dans cet enfant rien n'est à délivrer que son âme bonne ; en dehors de cette âme tout en lui est à mépriser comme appartenant, non pas à un Dieu bon, mais au prince -des ténèbres. Le pélagien reprend : Rien dans cet enfant n'est à délivrer, puisque nous avons prouvé qu'en lui tout est sauvé. Tous deux sont dans l'erreur, et pourtant je préfère encore celui qui n'accuse que la chair, à celui qui, sous le voile de la louange, sévit cruellement contre la personne tout entière. Toutefois quel secours le manichéen apporte-t-il à l'âme humaine, puisqu'il n'a que des blasphèmes pour Celui qui a créé dans l'homme et son âme et son corps ? Quant au pélagien, en niant le péché originel, il ne permet pas à la grâce divine de venir au secours de l'enfance humaine. Où se montre la miséricorde de Dieu, c'est donc dans la foi catholique qui pourvoit au salut de l'enfant en réprouvant à la fois ces deux funestes erreurs. Elle crie aux Manichéens : Écoutez cette voix de l'Apôtre : « Ignorez-vous donc que vos corps sont le temple du Saint-Esprit qui habite en vous[^3] ? » Croyez que c'est le Dieu bon qui est le créateur des corps, puisque l'œuvre du prince des ténèbres ne saurait servir de temple au Saint-Esprit. Elle dit aux Pélagiens : « Celui que vous voyez enfant a été conçu dans l'iniquité, et sa mère l'a engendré dans le péché[^1] ». Pourquoi donc soutenir qu'il est exempt de tout péché, et par là même lui refuser une miséricordieuse délivrance ? « Personne n'est exempt de toute souillure, pas même l'enfant qui n'est que depuis un jour sur la terre1 ». Laissez un malheureux recevoir le pardon de ses péchés, de la part de celui qui seul, qu'il fût petit ou grand, n'a pu être coupable d'aucun péché.
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I Cor. VI, 19.
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Ps. L, 7.
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Job, XIV, 5, selon les Sept. ↩