29.
Après avoir opposé à nos adversaires le glorieux martyr Cyprien, rendons la démonstration plus complète encore en leur citant le bienheureux Ambroise. En effet, Pelage prodigue à ce dernier les plus brillants éloges, jusqu'à dire que l'œil le plus clairvoyant de ses ennemis n'a jamais rien trouvé de répréhensible dans ses nombreux écrits. Les Pélagiens nient formellement l'existence du péché originel, et accusent de manichéisme les catholiques qui leur opposent l'antiquité de leur croyance sur ce point. Voyons donc ce que leur répond sur ce point saint Ambroise, cet illustre catholique, loué par Pelage lui-même pour la vérité de sa foi. Dans son commentaire de la prophétie d'Isaïe, voici comme il s'exprime : « Jésus-Christ est absolument immaculé, car il n'a même pas été souillé par le mode ordinaire sous lequel nous naissons ». Plus loin, parlant de l'apôtre saint Pierre, il ajoute : « Après avoir refusé de se laisser laver les pieds, il demande qu'on lui lave, non-seulement les pieds, mais encore la tête1, comme s'il eût immédiatement compris que la faute traditionnelle était détruite par le lavement des pieds qui ont été le premier instrument du péché de l'homme ». Dans le même ouvrage, il dit encore : « Il a été décrété que tout ce qui naîtrait de l'homme et de la femme, c'est-à-dire du mélange des sexes, serait coupable du péché originel, et qu'il n'y aurait pour échapper à cette souillure que celui qui aurait connu une autre conception. » Dans son ouvrage contre les Novatiens[^1], il écrit : « Tous, en notre qualité d'hommes, nous naissons dans le péché. Il suit de là que notre naissance est souillée, selon cette parole de David : J'ai été conçu dans le péché, et ma mère m'a enfanté dans l'iniquité2 ». Dans son apologie du prophète David, il dit également : « Avant a de naître, nous sommes souillés par la contagion originelle, et avant d'avoir ouvert les yeux à la lumière, nous subissons la tache de notre origine, nous sommes conçus dans l'iniquité ». Parlant du Sauveur, il s'écrie : « Celui qui ne devait subir aucune défaillance corporelle, ne devait pas non plus être atteint par la contagion naturelle de la génération. C'est donc avec raison que David déplore la souillure de la nature, qui rend l'homme coupable, avant même qu'il soit vivant3 ». Au sujet de l'arche de Noé, le même docteur formule cette pensée : « Il nous est clairement annoncé que le Seigneur Jésus sera le salut des nations, lui qui seul a pu être juste quand toutes les générations naissent coupables ; il est juste, parce qu'en naissant d'une vierge il n'a participé d'aucune manière au triste privilège de notre génération. Voici que j'ai été conçu dans le péché, et que ma mère m'a enfanté dans l'iniquité, s'écrie celui qui paraissait le plus juste de son siècle. Si donc la justice parfaite doit se trouver quelque part, n'est-ce pas en celui qui est entièrement libre de ces liens de la nature ? » C'est ainsi que ce saint évêque, dont la foi catholique est louée par Pelage lui-même, confond dans leur erreur les Pélagiens qui nient l'existence du péché originel ; et pourtant il est loin de soutenir, avec les Manichéens, que Dieu n'est pas l'auteur de la créature, ou d'accuser le mariage que Dieu a institué et béni.
- Livre I de la Pénitence, chap. III.