51.
Pour moi, dans la lettre qu'il a exhibée, non-seulement je me suis abstenu de le combler d'éloges; mais, sans soulever aucunement la question, je l'ai mis à même, autant que j'ai pu, d'avoir sur la grâce de Dieu des notions justes et suffisantes. Je l'ai salué du nom de maître : c'est là une formule dont nous usons à l'égard de ceux mêmes qui ne sont pas chrétiens; cependant, ce n'est point une formule mensongère, car pour procurer le salut des hommes en Jésus-Christ, nous devons en quelque sorte nous tenir à leur égard dans un état de servitude volontaire.
Je l'ai salué du nom de bien-aimé; ce titre, je le répète encore, et lors même qu'il serait irrité contre moi, je le répéterais toujours; et en effet, c'est à moi-même que je nuirais si je cessais de l'aimer, sous prétexte qu'il est irrité contre moi. Je l'ai salué du nom de très-désiré, car je brûlais du désir de m'entretenir avec lui, depuis que j'avais appris que dans ses discussions il soulevait de violentes attaques contre la grâce qui nous justifie. Enfin ma lettre, malgré sa concision, indique clairement cette préoccupation de mon esprit, car après l'avoir remercié de la joie que m'avait procurée ses écrits en m'assurant de sa santé et de la santé de ses amis, auxquels nous souhaitons non-seulement une bonne conversion, mais encore la santé du corps, j'ai formulé le désir que Dieu lui accordât tous les biens, non pas temporels, mais spirituels, c'est-à-dire les biens dont il croyait trouver la source dans le libre arbitre de la volonté et dans la puissance propre; je les lui désirais enfin comme moyen de parvenir à la vie éternelle. Dans sa lettre, à laquelle je répondais, il me félicitait gracieusement de trouver en moi quelques-uns de ces biens. J'ai profité de cette circonstance pour le conjurer de prier pour moi, afin que Dieu voulût bien me rendre tel que lui me croyait être. Je lui rappelais ainsi, contre sa propre conviction, que la justice dont il voulait bien me féliciter, ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu seul qui nous fait miséricorde1. C'est là tout ce que renferme ma lettre; telle est même l'intention qui me l'a fait écrire. La voici
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Rom. IX, 16. ↩