15. Du relâchement de l'esprit de pauvreté.
Que dirons-nous de ces exemples, nous malheureux, qui vivons dans un couvent, sous la conduite paternelle d'un abbé, et qui portons toujours sur nous la clef de ce qui nous appartient? Sans respect pour nos engagements et sans honte de les violer, nous ne rougissons pas de porter publiquement à notre doigt l'anneau qui sert à marquer ce qui est à nous, et nous avons tant de choses, que les corbeilles et les paniers ne suffisant pour les mettre, il faut encore des coffres et des armoires pour conserver tout ce que nous amassons ou ce que nous avons gardé en quittant le siècle. Nous nous passionnons tellement pour ces biens, pour ces choses méprisables dont nous voulons avoir la propriété, que, si quelqu'un paraît vouloir y toucher du bout du doigt, nous nous irritons contre lui, au point que nous ne pouvons retenir, sur nos lèvres et dans nos mouvements, l'agitation de notre coeur.
Mais ne parlons pas de nos défauts; il vaut mieux passer sous silence des choses qui ne méritent pas qu'on les rappelle, comme l'a dit le Prophète : « Que ma bouche ne parle pas des oeuvres des hommes. » (Ps. XVI, 4.) J'aime mieux continuer à vous entretenir des vertus de ces saints religieux que nous devons chercher à imiter.
Disons encore quelques mots de leurs règles et de leurs usages avant de vous raconter quelques-unes de leurs actions dont je voudrais perpétuer la mémoire. Le meilleur moyen de bien établir ce que je vous ai exposé, c'est de l'appuyer par l'autorité de leurs exemples et de leur vie.