Obéissance et mépris du monde.
Je parlerai aussi d'un religieux que je connais fort et qui était d'une famille très illustre car il était fils d'un comte très riche, et il avait été parfaitement bien instruit dans toutes les belles lettres. Ayant donc quitté ses parents et embrassé la pauvreté du monastère, le supérieur, pour éprouver son humilité et sa foi, lui commanda de prendre six paniers d'osier, qu'on pouvait se passer d'aller vendre dans la ville. Il lui ordonna de les charger sur ses épaules, et de les porter dans toutes les rues. de la ville, avec cette condition que si quelqu'un voulait les acheter tous ensemble, il ne le fît pas, et qu'il ne les vendît que un à un ; ce qu'il lui marqua à dessein, afin qu'il parût dans la ville plus longtemps en cet état. Il s'acquitta de cette commission avec une foi admirable, et foulant aux pieds la fausse honte du monde par l'amour véritable qu'il avait pour Jésus-Christ, il mit ces paniers sur ses épaules, les vendit le prix qu'on lui avait dit, et en rapporta l'argent au monastère. Il ne s'étonna point de la nouveauté d'un emploi si bas et si vil, et il ne considéra point la disproportion de cet exercice avec la qualité qu'il possédait dans le monde, parce qu'il désirait solidement se mettre en état par son obéissance d'acquérir l'humilité du Fils de Dieu qui est la véritable noblesse. (Inst., IV, 29. P. L., 49, 189.)