Silvain le comédien.
Les moines zélateurs de la règle veulent chasser Silvain qui se souvenant de son ancienne profession, amuse et dissipe le monastère. La bonté et la discrétion de Pacôme lui découvrent les germes de vertu cachés sous ces apparences folâtres.
Un jeune homme nommé Silvain, qui était comédien, s'étant converti, vint supplier saint Pacôme de le recevoir dans son monastère. Ce que lui ayant accordé, les mauvaises habitudes dont il s'était infecté dans le siècle, l'empêchaient de se pouvoir assujettir à aucune discipline; et ainsi négligeant son propre salut, il passait les journées entières dans ses badineries et bouffonneries ordinaires, et gâtait même quelques-uns des frères qui se portaient à l'imiter. Ce que plusieurs d'entre les autres ne pouvant souffrir, ils supplièrent saint Pacôme de le chasser du monastère. Au lieu de leur accorder cette prière, il le supporta avec une extrême patience ; et après l'avoir averti de se corriger, de renoncer à son ancienne manière de vivre, il priait Dieu sans cesse qu'il lui plût de vouloir lui toucher le coeur par son extrême bonté. Mais Silvain continua dans ses imperfections ordinaires, et mettant les autres par son exemple en danger de se perdre; enfin tous les frères généralement estimèrent que l'on devait le chasser de cette sainte maison, comme étant très indigne d'y demeurer. Le bienheureux Pacôme crut néanmoins qu'il fallait encore un peu différer, et lui faisant une nouvelle correction, accompagnée d'une douceur sans pareille, et d'une sagesse merveilleuse, et lui donnant des instructions toutes saintes, pour lui faire con-naître en quelle manière on doit accomplir les commandements de Dieu, il l'enflamma de telle sorte de son divin amour et son âme par la foi fut si troublée du sentiment de l'avenir qu'il ne pouvait plus s'empêcher de verser continuellement des larmes. Ainsi s'étant entièrement corrigé, il servait aux autres d'un grand exemple de conversion; car en quelque lieu qu'il fût, et quoi qu'il fît, il pleurait toujours, et ne s'en pouvait empêcher lorsqu'il prenait ses repas avec les autres. Ce qui ayant touché plusieurs des solitaires, ils lui dirent : « Cessez enfin de pleurer, et ne vous laissez pas si fort abattre par la douleur. » Il leur répondit : « Je fais tout ce que je peux pour vous obéir, mais il n'est pas en ma puissance, car je sens dans moi comme un feu très violent qui ne me peut permettre de demeurer en repos. » (Vit. Pac., 38. P. L., 73, 255.)