Le premier besoin du monastère. Un bon supérieur.
On ne choisit jamais personne pour supérieur du monastère, qu'il n'ait appris par une longue suite d'obéissance, comment il doit commander à ceux qui lui doivent obéir; et qu'il n'ait été longtemps formé sous la longue conduite de ses anciens, pour savoir ce qu'il doit laisser comme par tradition aux plus jeunes solitaires.
Car ces hommes admirables reconnaissent que c'est le comble de la sagesse de bien conduire les autres, et de se bien laisser conduire soi-même; et ils disent hautement qu'en ce seul point consiste le plus grand don de Dieu, et l'effet de la plus grande grâce du Saint-Esprit. Ils savent d'un côté qu'un homme ne peut donner aucun avis salutaire à ceux qui lui obéissent, s'il n'a passé plusieurs années dans l'obéissance et dans la pratique de toutes sortes de vertus; et ils croient aussi de l'autre que personne ne peut bien obéir à son supérieur lui le conduit, s'il n'est consommé dans la crainte de Dieu, et s'il ne s'est rendu parfait dans une humilité véritable.
Aussi ce qui fait que nous voyons aujourd'hui de tous côtés tant de règlements et de pratiques toutes contraires, est que nous avons assez de présomption pour entreprendre de gouverner les monastères, sans savoir presque rien des règles de nos anciens, et que nous devenons abbés avant d'avoir été novices.
Nous ordonnons tout ce qui nous plaît, et nous avons plus de zèle pour faire observer ce qui vient de notre invention particulière, que pour garder inviolablement les règles et la doctrine si pure de nos saints prédécesseurs. (Inst., XI, 3. P. L., 49, 81.)