Ne pas charger les inférieurs de travaux excessifs.
Il y avait un solitaire qui, étant marié, avait quitté le monde pour se retirer dans le désert, et qui était fort souvent tenté du désir de re-tourner avec sa femme, ce qu'il dit aux plus anciens du monastère, qui voyant qu'il travaillait avec tant d'affection et faisait encore davantage qu'on ne lui commandait, lui ordonnèrent des travaux excessifs, afin de lui affaiblir le corps de telle façon qu'il ne put pas seulement se remuer. Sur quoi Dieu permit qu'un ancien père étant arrivé en Scété et ayant passé devant sa cellule qui était ouverte sans que personne en sortît, il y retourna en disant : « Le frère qui demeure ici ne serait-il point malade? » Il frappa ensuite à la porte, puis entra et trouvant qu'il se portait très mal, il lui dit : « Qu'est-ce donc, mon père, que vous avez ? » Il lui répondit : « J'ai passé de la vie du monde à celle que je fais maintenant et le démon me tente de retourner voir ma femme; ce qu'ayant conté à nos anciens, ils m'ont imposé des travaux si rudes, que m'efforçant de les accomplir avec une exacte obéissance, je me trouve accablé sous le faix, sans sentir diminuer néanmoins ce fâcheux désir qui me persécute; mais au contraire, il s'augmente de plus en plus. » Le vieillard l'entendant parler de la sorte en fut fort attristé et lui dit : « Ces bons pères, comme étant extrêmement parfaits dans le service de Dieu, vous ont imposé des fardeaux que vous avez peine à porter. Mais si vous voulez croire mon conseil, déchargez-vous-en, nourrissez-vous modérément, reprenez vos forces, exercez-vous à quelque ouvrage de Dieu et priez-le de vous délivrer de toutes ces fâcheuses pensées qu'il n'est pas en votre puissance de surmonter par votre travail. » Ce frère ayant pratiqué ces instructions, fut délivré peu de jours après de cette pénible tentation. (Pélage, V, 40. P. L., 73, 886.)