Ne pas se faire payer ici-bas.
La sainte femme d'Alexandrie dont la patience est donnée en exemple, a compris que la vraie et parfaite charité ne veut pas de récompense terrestre. Elle demande à Athanase de confier à ses soins quelque personne insupportable et impossible à contenter. On n'a pas de peine à la servir.
Une sainte femme avait obtenu qu'Athanase lui confiât une veuve à soigner, et lui rendant tous les devoirs de la charité, elle remarqua
Que cette bonne veuve qui était douce et modeste extraordinairement, lui rendait à tous moments des témoignages de son extrême reconnaissance pour tous les bons offices qu’elle lui rendait. Elle s'en retourna aussitôt au bienheureux Athanase ; et se plaignit de ce qu'il l'avait mal servie. Ce saint prélat se doutant de la pensée de cette dame, commanda en secret qu'on lui donnât celle de toutes les veuves qu'on jugerait la plus bavarde, la plus colère, la plus pointilleuse et la plus violente.
Comme on n'eut pas tant de peine à choisir celle-ci que la première, on la mena aussitôt au logis de cette dame qui la reçut avec la même affection, et la servit avec le même soin que l'autre, et même encore avec plus de tendresse. Mais cette sainte femme ne reçut pour récompense de ses services que des injures, des médisances et des insultes continuelles. Cette veuve lui reprochait à tous moments par une calomnie détestable, qu'elle ne l'avait demandée à l'évêque Athanase que pour la tourmenter, et non pas pour l'assister, et qu'en venant chez elle où elle espérait être mieux, elle avait passé au contraire, d'un état très doux à un état de travail et de souffrance.
La violence de sa mauvaise humeur, alla même jusqu'à la frapper; mais cette sainte dame la servant encore avec plus d'ardeur et de soumission, s'étudiait non à réprimer son insolence en lui résistant, mais à se vaincre elle-même en s'y assujettissant, et quoiqu'elle en reçût les traitements les plus rudes et les dernières indignités, elle s'efforça toujours néanmoins d'apaiser par un excès de douceur et d'humilité, la furie et les emportements de cette femme. Enfin, s'étant pleinement affermie dans la vertu par ces saints exercices, et se trouvant dans la possession de cette parfaite patience qu'elle avait tant désirée, elle retourna au saint prélat Athanase pour lui rendre de très humbles actions de grâces de la sagesse de son choix, et des avantages qu'elle avait reçus par cet exercice. Elle lui avoua qu'il avait parfaitement accompli son désir, et qu'il lui avait donné une très digne maîtresse de patience, qu'elle sentait que cette vertu s'était comme nourrie et fortifiée en elle par les injures continuelles que cette veuve lui disait. (Coll., XVici, 14. P. L., 49, 1114.)