Postumien visitant les moines d'Égypte, est pris d'un vif désir de recevoir son ami Sulpice, qu'il a laissé en Gaule.
Nous étions ensemble dans ma cellule, moi et mon ami Gallus, qui m'est bien cher, soit en mémoire de Martin dont il a été le disciple, soit pour ses qualités personnelles. Survint Postumien, à mon occasion revenu de l'Orient où il habitait depuis plus de trois ans qu'il avait quitté sa patrie. J'embrassai ce cher ami, je baisai ses genoux, ses pieds; nous fîmes, en pleurant de joie et tout hors de nous, un ou deux tours, puis jetant à terre des cilices, nous nous assîmes l'un à côté de l'autre. Postumien parla le premier et les yeux fixés sur moi : « J'étais, dit-il, aux extrémités de l'Égypte, lorsque je voulus revoir la mer. Un vaisseau de transport, chargé de marchandises pour Narbonne, allait mettre à la voile. Or la nuit suivante, je crus voir en songe ta main qui m'entraînait vers le navire et me poussait à y monter. Dès que l'aube chassa les ténèbres, je me levai du lieu où j'avais pris mon repos; j'avais l'esprit tout préoccupé de mon songe et je fus soudainement pris d'un tel désir de te revoir que, sans hésiter, je m'embarquai, Trente jours après j'arrivai à Marseille et dix jours après, ici même, tant mon amitié fut favorisée par une heureuse navigation. Mais enfin, après avoir à cause de toi, traversé tant de mers, parcouru tant de terres, laisse-moi maintenant te voir et t'embrasser sans témoin. » « Moi aussi, répondis je, durant ton séjour en Égypte, j'étais toujours avec toi par l'âme et la pensée, jour et nuit, je songeais à toi et ton amour me possédait tout entier. » (Sulp. Sev., Dial., I. P. L., 20, 187.)