Attitude envers les païens.
Saint Macaire montant un jour sur la montagne de Nitrie, il commanda à son disciple de marcher un peu devant lui, ce que faisant il rencontra un prêtre idolâtre qui courait extrêmement fort, et qui portait un gros bâton, auquel il commença à crier : « Où cours-tu ainsi, démon? » Ce qui mit ce prêtre en telle colère, qu'il lui donna mille coups et le laissa à demi-mort. Ayant ensuite recommencé à courir, il rencontra assez près de là saint Macaire, qui lui dit : « Bonjour, bonjour, vous vous donnez beaucoup de peine. » Cet homme s'étonnant de cette salutation lui répondit : « Qu'avez-vous remarqué de bon en moi qui vous oblige à me saluer de la sorte? » Le vieillard lui répliqua : « Je vous ai salué, parce que j'ai vu que vous étiez lassé de travail, et que vous couriez sans savoir où vous alliez. » Alors le prêtre lui dit : « Votre salutation m'a fait connaître que vous êtes un grand serviteur de Dieu, et m'a touché très sensiblement; au lieu qu'un autre malheureux solitaire que j'ai rencontré m'a dit des injures, dont je l'ai payé sur-le-champ en lui donnant quantité de coups. » Puis embrassant les pieds du saint, il ajouta : « Je ne vous quitterai point que vous ne m'ayez fait solitaire. » Après cela ils s'en allèrent ensemble au lieu où ce frère était étendu sur la terre tout meurtri de coups; et parce qu'il ne pouvait pas se remuer ils le portèrent à l'église. Les frères furent extrêmement étonnés de voir saint Macaire mener ainsi avec lui ce prêtre idolâtre, auquel ils donnèrent l'habit de solitaire, et plusieurs païens à son imitation embrassèrent le christianisme.
Le même saint Macaire disait que les paroles insolentes et pleines d'orgueil font une mauvaise impression dans l'esprit même des gens de bien; et qu'au contraire les paroles humbles et douces changent même les méchants en bons. ( Ruffin, 127. P. L., 73, 784.)
*
- *
Un moine habitait un coin du désert d'Égypte. Non loin de là était un manichéen qui était prêtre, ou du moins il était de ceux qu'on appelle 'prêtres dans cette secte. Comme il s'était mis en route vers un homme qui était dans la même hérésie, il fut surpris par la nuit à cet endroit même où vivait ce saint homme. Il hésitait à frapper et à demander un gîte, car il se savait connu du moine et il craignait un refus. A la fin cédant à la nécessité, il frappa. Le vieillard lui ayant ouvert, le reçut avec joie, le fit prier, lui donna à manger et le mena dormir. Et le Manichéen réfléchissait pendant la nuit, il s'étonnait de ce que ce moine n'avait eu aucune défiance à son sujet. « C'est vraiment un homme de Dieu », se disait-il. S'étant levé le matin il se jeta à ses pieds et lui dit : « Dès aujourd'hui je suis orthodoxe, je ne te quitterai pas. » Et il resta avec lui en effet. (Pélage, XIII, 11. P. L., 73, 945.)
Des philosophes voulaient mettre les moines à l'épreuve. Un moine passa portant de beaux vêtements. Ils lui dirent: « Viens donc ici ! » Le moine indigné leur répondit par des injures. Ensuite vint à passer un moine de haute taille, les traits et la démarche d'un paysan. « Viens ici, lui crièrent-ils, méchant moine, méchant vieillard! » Il accourut et ils le souffletèrent; lui, leur présenta l'autre joue. Alors se levant ils s'inclinèrent en disant : « Voilà un vrai moine! » L'ayant fait asseoir ils l'interrogeaient : « Que faites-vous de plus que nous dans ce désert ? Vous jeûnez, nous aussi nous jeûnons; vous châtiez votre corps, et nous aussi; qu'y a-t-il que vous faites que nous ne fassions pas ? Et alors pourquoi rester au désert ? » Le vieillard leur répondit : « Nous mettons notre espoir en la grâce de Dieu et nous gardons notre âme en paix. » Ils lui dirent alors : « Pour nous, nous ne pouvons pas faire une pareille garde. » Et ils le laissèrent partir. (Pélage, XVI, 16. P. L., 73, 972.)