La récitation de l'office et l'oraison.
Quel a été jusque-là l'exercice intérieur des deux amis Germain et Cassien? Ils ont repassé dans le secret de la cellule les leçons reçues à la synaxe.
Trois extraits des « Institutions » rappellent et complètent ce que nous avons appris de la prière commune des moines. Réunis dans l'église, tous observent la loi du parfait silence, évitant même un mouvement qui pourrait le troubler. Tous sont attentifs tandis que l'un d'eux récite lentement le psaume. Lorsqu'il a fini ils se prosternent, puis se relèvent, les mains tendues vers le ciel, toujours en silence. On entend seulement quelques soupirs de frères à la piété plus expansive. Le moine oublie la présence de ses voisins, il est tout à Dieu. Nous saisissons le passage de la prière vocale à l'oraison. Revenu dans sa cellule, seul à seul avec le Seigneur, il garde présentes à l'esprit les paroles divines qui l'ont frappé. Il approfondit l'impression reçue et tout en tressant des nattes il donne cours aux saintes inspirations. Suivant le mouvement de la grâce il s'arrêtera plus ou moins longtemps aux diverses paroles. Le religieux qui à fréquenté à Manrèse retrouve ici les conseils sur les trois manières de méditer une prière ou un texte. On peut s'en tenir à cette méthode pour avancer dans la science de l'oraison et acquérir la facilité de l'entretien intérieur.
Qu'un seul verset puisse retenir l'attention d'un spi-rituel touché par la grâce, nous en avons la preuve dans la méditation de l'abbé Isaac sur le « Deus in adjutorium » que nous avons donnée à la fin du chapitre de la grâce1.
Voici donc l'ordre que ces saints solitaires gardent dans le commencement et dans la fin de leurs oraisons. Lorsque le psaume qu'on récite est achevé, ils ne se jettent pas tout d'un coup et précipitamment à genoux, comme nous faisons en cette province, où avant même que le psaume soit fini, nous nous hâtons de nous prosterner pour prier, afin de terminer bientôt l'office. Comme nous voulons passer le nombre des psaumes qui a été réglé autrefois par nos anciens, nous comptons à chacun des psaumes qu'on récite combien il en reste encore à dire. Nous nous hâtons d'être bientôt à la fin de notre office, parce que nous pensais plus au soulagement de notre corps qui est fatigué par cette multitude de prières, qu'à l'utilité et à l'avantage que nous ,eu devons tirer pour notre âme. Ces saints solitaires d'Egypte ne se conduisent pas de la sorte. Avant que de se mettre à genoux, ils prient quelque temps, et se tiennent presque toujours debout. Ils se prosternent ensuite un, moment en terre comme pour adorer Dieu, et se relèvent promptement; et étendant encore les mains comme auparavant, ils s'appliquent ainsi avec plus d'ardeur et plus d'attention à la prière. Ils disent qu'en demeurant longtemps prosternés en terre non seulement on est plus anisé aux distractions et aux égarements des pensées, mais qu'on est encore attaque du sommeil avec plus de violence. Et plût à Dieu que nous ne fussions pas si convaincus de cette vérité par notre propre expérience, et par ce qui nous arrive tous les jours, lorsque nous souhaitons bien souvent que ces prosternements durent longtemps, plutôt pour nous reposer en cet état que pour prier? Que celui d'entre ces saints solitaires qui doit dire la collecte se lève de terre, tous les autres se lèvent en même temps. Il n'y en a pas un seul qui ose ni le prévenir en se mettant à genoux avant lui, ni demeurer encore en terre lorsqu'il s'en est relevé, et ils craignent qu'on ne croie qu'ils n'ont pas tant voulu suivre celui qui termine la prière, que faire eux-mêmes leur oraison en particulier.
Nous n'avons point encore vu pratiquer en aucun endroit de l'Orient ce qui se fait en cette province, où lorsque celui qui chante le psaume l'a fini, tous les autres se lèvent et chantent avec lui à haute voix : « Gloire soit au Père, au Fils, et au Saint-Esprit. » Mais dans l'Orient lorsque celui qui récite le psaume l'a achevé, tout. le monde demeure dans le silence et passe à l'oraison; et ce n'est que l'antienne qu'on a coutume de finir par ce verset, qu'on ajoute pour honorer la Trinité. (Inst., II, 7, 8. P. L., 49, 91.)
-
Tome I, p. 101. ↩