Dieu veut sauver tous les hommes.
Si les Pères demandent à leurs disciples dos efforts pénibles et soutenus, ils les encouragent par la vue des desseins miséricordieux : « Voyez les oeuvres de Dieu, s'écrie Paul le simple, combien elles sont terribles, combien elles sont merveilleuses; venez voir comment il veut que tous les hommes soient sauvés ! »
Paul avait encore cette grâce particulière, que lorsqu'il considérait ceux qui entraient dans l'église, il voyait aussi clairement que les autres voient le visage, quelle était la disposition de leur esprit, et si leurs pensées étaient bonnes ou mauvaises. Il voyait aussi leurs anges.
Un jour considérant ceux qui entraient dans l'église, il leur vit à tous un visage clair et lumineux, le coeur plein de joie, et leurs anges qui témoignaient se réjouir de leur bonne disposition. Il en vit un néanmoins qui avait le corps tout noir et comme couvert d'un nuage sombre, des démons qui le tenaient de part et d'autre pour le tirer à eux et qui lui mettaient une bride au nez, et son ange qui le suivait de loin tout triste et tout abattu.
Paul à ce spectacle se mit à pleurer amèrement l'état de ce misérable, et à frapper sa poitrine, demeurant auprès de l'église sans y entrer. Les autres vieillards qui le virent, ne pouvant juger quelle était la cause de tant de larmes et de cette tristesse qu'ils n'avaient pas remarquée en lui auparavant, craignirent qu'ils n'eussent fait quelque faute que Dieu lui eut découverte. Ils le prièrent donc de ne la leur point cacher ou (si ce n'était pas cela) de vouloir entrer avec eux pour la messe; mais il ne voulut ni entrer ni rien dire , et il demeura là, prosterné en terre à pleurer celui dont il avait vu le malheur.
L'assemblée étant finie, et les assistants sortant de l'église, Paul les considéra encore tous, et alors celui qu'il avait vu en un état si déplorable, parut avec un visage fort gai, le corps tout blanc, les démons qui le suivaient de loin et son ange au contraire qui, se tenant auprès de lui, témoignait une joie et un contentement extrême. Alors Paul se leva tout ravi, et bénissant Dieu, il s'écria : « O bonté, O miséricorde ineffable de notre Dieu! 0 que sa compassion est infinie ! Ô que son amour est sans bornes. » Il courut en même temps et monta sur un endroit plus élevé, où il dit à haute voix : « Venez, voyez les oeuvres de Dieu; voyez combien elles sont terribles, combien elles sont merveilleuses. Venez voir comment il veut que tous les hommes soient sauvés, et qu'ils viennent à la connaissance de la vérité ! Venez, adorons le Seigneur, prosternons-nous devant lui, et lui disons : c'est vous seul qui pouvez remettre les péchés. »
Tout le monde étant accouru pour savoir ce que c'était, il leur rapporta ce que Dieu lui avait fait connaître, et pria celui en qui il avait vu un tel changement de lui dire quelle en avait été la cause, et quelles étaient ses pensées et ses actions. Alors cet homme, ne pouvant pas désavouer la vérité, dit tout haut devant tout le monde, qu'il avait été engagé jusqu'alors dans le péché de fornication, mais qu'étant venu à l'église, et ayant entendu lire un endroit d'Isaïe, où Dieu promet d'effacer les péchés de ceux qui se convertiraient véritablement : « je me suis, dit-il, senti touché très vivement ; je suis rentré en moi-même, et gémissant en mon cœur, j'ai dit à Jésus-Christ : « Mon Dieu qui êtes venu en ce monde pour sauver les pécheurs, et qui nous avez fait par votre prophète les promesses que je viens d'entendre, faites-en voir l'effet en moi, quelque indigne que je sois de votre grâce... »
Alors tous les assistants rendirent grâces à Dieu à haute voix de sa miséricorde et de sa sagesse infinie, et conclurent qu'aucun pécheur ne pouvait avoir sujet de désespérer de son salut, puisque Dieu reçoit avec tant de bonté ceux qui recourent à lui, et qui purgent leurs péchés passés par la pénitence, et qu'au lieu d'exiger d'eux les peines qu'ils méritent, il leur promet et leur accorde de très grands biens. (Pélage, XVIII, 20. P. L., 73, 986.)