L'esprit de fornication.
Nous voyons aussi que les autres vices se guérissent d'ordinaire dans le commerce des hommes, et en quelque façon par les fautes que l'on y commet. La colère par exemple, l'envie et l'impatience se guérissent par le soin qu'on y apporte, et par le commerce et l'habitude avec les hommes qui donnent lieu à ces passions de se réveiller en nous. Et lorsqu'étant ainsi excitées elles se rendent plus sensibles, elles nous donnent en même temps le moyen de les guérir avec plus de facilité.
Mais cette plaie dont nous parlons, outre la mortification du corps et la contrition du coeur, nous oblige encore de garder la solitude et la retraite, afin de la pouvoir parfaitement guérir, et apaiser toute l'ardeur de la fièvre. Comme il arrive dans de certaines maladies qu'il faut éviter même de montrer aux yeux des malades des viandes qui leur seraient dangereuses, de peur que cette vue ne fît passer dans leur coeur un désir qui leur pourrait être mortel, il est constant aussi dans cette plaie dont nous parlons, que le repos et la solitude peuvent beaucoup pour la guérir, afin que l'âme malade n'étant plus troublée de tant de différents objets, et se recueillant dans une vue plus pure et plus tranquille des choses célestes, puisse arracher dès la racine, cette plante envenimée de notre concupiscence. (Inst., VI, 3. P. L., 49, 270.)
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En effet, quoique la grâce du Sauveur nous soit nécessaire pour avancer dans toutes les autres vertus, et pour ruiner tous les autres vices, il faut néanmoins en celui-ci un don de Dieu plus particulier. Tous nos anciens en sont demeurés d'accord, et nous le pouvons reconnaître aisément nous-mêmes dans la manière dont nous nous purifions de ce vice. Car c'est comme sortir de la chair en demeurant encore dans la chair ; et c'est une chose au-dessus de la nature, de pouvoir, lorsque nous sommes encore environnés d'une chair fragile, n'en point ressentir les mouvements. C'est pourquoi il est impossible qu'un homme puisse de lui-même s'élever à cette haute pureté, si la grâce de Dieu ne le soutient pour le retirer de cette boue et de cette fange. Car il n'y a point de vertu qui puisse, plus que la pureté, égaler les hommes charnels aux anges qui sont de si purs esprits.
C’est par cette vertu qu'en demeurant encore en ce monde, nous sommes, comme dit saint Paul, déjà citoyens du ciel et que nous possédons dans Ce corps mortel tous les avantages qu'on promet aux saints, lorsqu'ils seront délivrés de cette chair corruptible. (Inst., VI, 6. P. L., 49, 272.)