V. 7
« Quand on fermera les portes de la rue, quand la voix de celle qui avait coutume de moudre sera basse, qu'on se lèvera au citant de l'oiseau et que les filles de l'harmonie deviendront sourdes. » Tout cesse dans l’Eglise quand la doctrine et les bonnes instructions viennent à manquer, quand il ne sort plus de la bouche des maîtres et des prédicateurs, qui sont les vieillards et les anciens, qu'une voix faible et peu articulée, parce qu'ils ont peu de dents pour faire bien entendre la distinction des sons et peu de force pour hausser la voix. Alors aussi l'on trouve fermées les portes dans les rues, car la porte de la vérité et de la saine doctrine est fermée dans les rues et dans les places publiques quand la charité de plusieurs se trouve refroidie dans l'Eglise et parmi les chrétiens.
« Et qu'on se lèvera au chant de l'oiseau »,ou «du passereau. » Nous pouvons appliquer à propos ces paroles quand nous voyons que de grands pécheurs font pénitence, et qu'ils se relèvent. du lit de leurs crimes et de leurs mauvaises habitudes, y étant exhortés par la voix des prêtres ou des évêques. Remarquez en passant que le mot « passereau » ne se prend jamais en mauvaise part dans l'Ecriture ; au moins, je ne me souviens pas d'avoir jamais lu de passage où ce terme n'eût un sens favorable et avantageux. Je prends pour exemples ces passages suivants du livre des Psaumes. Le juste, parlant dans le dixième psaume, dit ces premiers mots : «J'ai mis ma confiance au Seigneur: pourquoi donc me dites-vous : Gagnez comme un passereau les montagnes pour vous dérober à la poursuite de vos ennemis; » et ailleurs : « J'ai passé les nuits sans dormir, et je suis devenu semblable à un passereau qui se tient seul sur un toit ; » et encore dans un autre psaume : « Le passereau trouve une demeure pour s'y loger. »
Ceux qui prennent ce verset dans un sens propre et littéral prétendent qu'il faut l'expliquer de la sorte. « Quand on fermera les portes de la rue, » c'est-à-dire: lorsque l'extrême vieillesse nous réduira à demeurer toujours assis et à ne point sortir de la maison.
Clausus in plateis januas, in fermes senis gressus accipi volunt; quod semper sedeat , et ambulare non possit. La voix basse de celle qui avait coutume de moudre marque les mâchoires d'un vieillard, parce qu'elles n'ont plus la fore d'amollir les viandes dans la bouche et d'en faire la première digestion. D'ailleurs la respiration est si faible et si pressée dans les gens vieux qu'à peine peut-on les entendre quand ils parlent. Ils ont aussi beaucoup de peine à dormir et le moindre bruit les éveille, ce qui est marqué par ces paroles : « On se lèvera au chant de l'oiseau; » car le corps étant desséché par l'âge, on a peine à dormir et on s'éveille non-seulement au chant du coq, mais au moindre bruit mène des plus petits oiseaux. Le sang étant devenu froid, et les autres matières qui servent comme d'aliment au sommeil étant desséchées, il est difficile que les vieilles gens puissent reposer et dormir longtemps : c'est pourquoi ils aiment mieux se lever dès qu'ils entendent chanter les coqs que de demeurer dans un lit sans dormir et n'y faire autre chose que de se retourner tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Nequaquam valens strato saepius membra convertere. Ce qui suit : «Lorsque les filles de l'harmonie se tairont » ou, comme il y a dans l’original hébreu : «deviendront sourdes, » signifie : les oreilles. L'ouïe est le sens qui s'affaiblit le plus dans les vieillards et qui devient plus posant dans ses fonctions : à cet âge on ne distingue presque point les divers sons, et la musique n'a plus de charmes pour un vieillard. Berzellaï, dans le livre des Bois, s'excusa auprès de David de le suivre au-delà du Jourdain et d'aller vivre à la cour de ce prince, parce qu'il se sentait accablé des incommodités de la vieillesse. » Berzellaï dit au roi : « Suis-je maintenant en âge d'aller avec le roi à Jérusalem? Ayant comme j'ai quatre-vingts ans, peut-il me rester quelque vigueur dans les sens pour discerner ce qui est doux d'avec ce qui est amer?
Puis-je trouver quelque plaisir à boire et à manger, ou à entendre la voix et les sons des instruments de musique?»