V. 13 et 14.
« L'Ecclésiaste donc, étant très sage, enseigna le peuple et leur fit connaître ce qu'il avait fait ; et dans ce dessein il composa plusieurs paraboles. Il rechercha des paroles utiles et il écrivit des discours pleins de droiture et de vérité. » Salomon parle encore à la fin de son discours de la profonde sagesse qui l'élevait au-dessus de tous les sages et de tous les savants. Il ne se contenta pas d'avoir été bien instruit dans toutes les pratiques de la loi de Moïse ni de savoir à fond l'histoire de sa nation. Il voulut encore aller plus loin, et s'affairer ( ?) (texte illisible) à la recherche d'une plus grande sagesse, et approfondir les matières et les questions les plus difficiles. C'est pour cela qu'il composa des proverbes et des paraboles, afin d'enseigner le peuple par des recueils de plusieurs belles sentences énigmatiques dont la superficie nous présente un sens simple et naturel, pendant que l'esprit caché sous la lettre nous en conserve un autre, comme une moelle divine, pour la nourriture de nos âmes. Aliud habentes in medulla, aliud in superficie pollicentes. C'est ce que nous persuadent les paraboles que nous trouvons dans les livres des Evangiles, où Jésus-Christ parlait si souvent en paraboles quand il annonçait au peuple le mystère du royaume de Dieu, et qu'il en réservait l'intelligence à ses disciples et à ses apôtres, qui le priaient, lorsqu'ils étaient seuls avec lui, de leur expliquer tout ce qu'il avait dit d'obscur en public. Par là il est clair que le livre des Proverbes ne contient pas des préceptes aisés et faciles à comprendre, comme on le croit d'ordinaire parmi les personnes simples; mais qu'il renferme des sens divins, mystérieux, et cachés comme la terre cache l'or dans son sein, et qu'il faut les tirer de dessous l'écorce de la lettre, comme on tire de la coque de la noix et de la châtaigne le fruit qui est bon à manger.
Après cela Salomon nous dit encore qu'il avait voulu connaître la cause et la nature de toutes les choses de ce inonde ; qu'il avait eu assez de présomption pour examiner la sagesse de la conduite de Dieu, et qu'il voulait savoir la raison de l'existence de chaque créature, pourquoi et comment elles avaient été créées. Il avait fait tous ses efforts pour connaître dès à présent ce que David n'espérait de voir qu'après sa mort, et lorsqu'il serait retourné au ciel après la résurrection , comme il s'en explique lui-même en disant : « Je verrai les cieux, qui sont les ouvrages de vos mains. » Enfin Salomon voulut connaître des vérités dont Dieu s'est réservé la connaissance, et qui ne sont pas à la portée des hommes mortels pendant que leurs âmes sont environnées des faiblesses d'un corps tout terrestre . Ut veritatem soli Deo cognitam, corporis vallata septo mens humana comprehenderet.
V.15. « Les paroles des sages sont comme des aiguillons et comme des clous enfoncés profondément, que le Pasteur unique nous a donnés par le conseil et la sagesse des maîtres. » L'Ecclésiaste, craignant qu'on ne l'accusât d'être un docteur téméraire qui s'ingérait de lui-même et affectait d'enseigner à son peuple la doctrine que Moïse avait reçue d'abord avec tant de. répugnance que Dieu témoigna en être mal satisfait, quoiqu'il la reçût ensuite avec une parfaite soumission aux mouvements du Saint-Esprit, dont il était inspiré, l'Ecclésiaste, dis-je, nous assure en cet endroit que ses paroles ne sont point différentes de celles des sages, puisqu'elles ont la même portée et les mêmes avantages. Elles sont comme des aiguillons dont la pointe se l'ait sentir pour corriger et redresser ceux qui s'égarent, et pour presser et faire avancer les personnes lentes et paresseuses qui ont besoin d'être excitées à faire leur devoir. Elles s'enfoncent si profondément dans le coeur de ceux qui les écoutent qu'on peut les comparer à des clous enfoncés et attachés fermement dans une matière épaisse et solide. Mais pour être telles, il ne suffit pas de les prêcher de sa propre autorité : il faut qu'elles soient autorisées par l'avis et le consentement de tous les docteurs. Nec auctoritate unius, sed consilio atque consensu magistrorum omnium proferantur. Nais de peur qu'on ne méprisât la sagesse des particuliers, il avertit qu'elle a été donnée par le Pasteur unique, c'est-à-dire que bien qu'il y ait plusieurs maîtres qui enseignent la même doctrine, il n'y a toutefois que Dieu seul qui en soit l'auteur.
Ce passage est d'un grand poids pour combattre les hérétiques qui prétendent que le Dieu de l'ancienne loi est différent du Dieu du Nouveau-Testament, puisqu'il parait manifestement qu'il n'y a qu'un seul pasteur qui donne à tous les maîtres la sagesse et la prudence. Or il est clair que les prophètes ont été remplis de sagesse aussi bien que les apôtres, et qu'ils ont tous parlé par le même esprit.
Une autre remarque qu'on doit faire, c'est que les paroles des sages tic sont pas flatteuses; elles sont au contraire piquantes comme des pointes et des aiguillons, et elles font des blessures salutaires qui portent les pécheurs à quitter le vice et à faire pénitence. Elles ne flattent point les gens du monde qui sont engagés dans le péché ; elles ne les entretiennent point dans leurs dérèglements et dans la mollesse; au contraire elles leur inspirent le désir d'une sincère conversion, et leur causent la douleur d'une pénitence qui est selon Dieu et qui les blesse pour les guérir. Nec molli manu attrectare lasciviam ; sed errantibus et tardis, paenitentiae dolores et vulnus infigere. Si donc la parole d'un ministre de l'Eglise ne pique pas le coeur en cette manière, il ne mérite pas d'être mis au rang des sages. Ne parler que pour plaire et divertir les auditeurs n'est pas une chose digne de la parole de Dieu et des vérités qu'on annonce parmi les fidèles; car les paroles des vrais sages doivent avoir de la pointe comme des aiguillons, et s'enfoncer profondément dans le coeur pour le percer de la crainte des jugements de Dieu. C'est ainsi que Saul, avant que d'être nommé Paul, fut saintement percé lorsqu'il allait à Damas; du moins je crois que le sens des paroles suivantes semble nous le persuader : «ll vous est dur de regimber contre l'aiguillon. »