1.
Je suis persuadé que vous n'avez pas besoin de la consolation des autres, puisque la force de votre esprit soutient la faiblesse d'un corps abattu et exténué. Cependant l'on cherche et l'on désire naturellement des secours dans l'adversité, des remèdes dans la maladie, des consolations dans l'inquiétude et une planche dans le naufrage. La consolation que reçoit un frère de son frère est sans doute un des plus puissants remèdes, et la satisfaction que l'on retire des paroles et de la douceur de l'entretien apporte du soulagement aux personnes accablées. Quoiqu'elle n'agisse sur aucune des parties du corps, néanmoins elle rétablit intérieurement un homme par une vertu secrète; elle rend la santé comme un médecin, et aide les forces naturelles à résister à la violence de la douleur. C'est pourquoi il est écrit : « Un frère sera élevé pour avoir assisté son frère. »Ainsi, étant tellement occupé aux choses de Dieu que je ne puis vous soulager dans votre affliction par une visite, je vous écris comme vous m'en avez prié; je tâche par cette lettre de vous rendre plus supportables les afflictions qui servent d'épreuve à votre vertu, et de fortifier en quelque manière un homme qui est déjà affermi par sa qualité de chrétien. Nous ne pouvons être victorieux ni mériter d'être récompensés dans le ciel sans avoir généreusement combattu. Une vertu paresseuse qui ne sait ce que c'est. que combattre ne remporte point de victoire; et celui qui préfère la vie de son corps à la gloire d'être couronné ne triomphe jamais de ses ennemis. Celui qui trouve la vie dans la mort n'est point ébranlé par la cruauté de la mort; il lui est avantageux de donner tout son sang, et c'est un sujet de joie pour lui de combattre avec l'affliction de recevoir de grandes blessures, et enfin il lui est glorieux de rendre en combattant une âme à celui à qui il la doit; car la raison nous enseigne qu'il y a de l'avantage à s'acquitter généreusement d'une dette qu'on ne peut s'exempter de payer. Supportez donc, mon cher frère, supportez les longues afflictions par lesquelles il plaît à Dieu de vous éprouver.
Celui que la tempête surprend sur la mer ne peut se dispenser de combattre contre les périls. Personne sans doute ne s'expose volontairement aux dangers; mais quand on y est une fois exposé, la nécessité force non-seulement à les repousser, mais encore à combattre vaillamment.
Un malade ne prescrit point au médecin la manière dont il veut être guéri; un soldat ne choisit point le lieu où il veut être envoyé en sentinelle ni un esclave le bâton avec quoi il doit être châtié; ce qui dépend de la volonté d'un souverain n'est point dans le choix de celui qui lui est soumis. Or puisque nous sommes sous la domination de la puissance d'en haut, et que les misères de ce monde nous rendent sujets à plusieurs châtiments différents, de même qu'un esclave ne choisit point le châtiment qui doit lui être infligé, et que ce choix dépend de la volonté de son maître, nous ne devons pas attenter à l'autorité du nôtre, ni faire choix de nos blessures et des combats où nous voulons remporter la victoire. Le pouvoir de celui qui frappe ne dépend pas de la volonté de celui qui reçoit les coups; c'est le devoir du souverain de corriger, et celui du sujet est de souffrir; le roi commande, le soldat obéit; car un roi ne commande rien de déraisonnable : il exige de ses troupes des expéditions proportionnées à leurs forces; il envoie les plus braves aux endroits les plus dangereux, et les moins vaillants aux endroits moins périlleux. Ainsi le faible ne succombe pas sous les efforts d'un ennemi puissant, et le brave ne ternit pas sa gloire en triomphant d'un ennemi moins vaillant que lui ; de sorte que par cette conduite personne ne craint d'être abaissé, et tous espèrent également la victoire. Un médecin qui blesse pour guérir une blessure n'est pas un ennemi; un père qui donne à ses enfants des coups de verge ne fait rien de contraire à l'affection qu'il leur porte ; car les verges d'un père sont les instruments dont se sert son affection. Si donc le châtiment et les coups sont une marque d'amour puisqu'ils partent de l'affection, choisissez un médecin qui vous frappe puisque ses coups vous donnent la santé. L'affection ne fait rien sentir qui ne soit profitable. Voilà pourquoi le Seigneur a dit: « Je tuerai et je ferai vivre, je frapperai et je guérirai. »