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On a blâmé, au rapport de Firmianus, saint Cyprien, cet homme st célèbre dans l'Eglise par son éloquence et son martyre, pour avoir, en écrivant contre Démétrianus, cité plusieurs passages tirés des prophètes et des apôtres, que son adversaire prétendait être faux et supposés, et pour tic pus s'être plutôt appuyé sur l'autorité des philosophes et des poètes qu'un païen n'eût pas osé rejeter. Celse et Porphyre ont écrit contre la religion chrétienne; Origène a répondu à celui-là avec force; Méthodius, Eusèbe et Apollinarius ont écrit contre celui-ci avec habileté et talent. Origène a composé huit livres contre Celse; l'ouvrage que Méthodius a fait contre Porphyre contient jusqu'à dix taille lignes; Eusèbe et Apollinarius ont composé contre lui, l'un vingt-cinq volumes et l'autre trente. Lisez-les, et vous avouerez que je suis un ignorant auprès d'eux; et après avoir tant étudie, je tue souviens à peine, et encore d'une manière très confuse, de ce que j'ai appris dans ma jeunesse. L'empereur Julien, dans la guerre des Parthes, composa sept livres de blasphèmes contre Jésus-Christ, et, comme parle la fable, il fut battu avec ses propres armes. Si j'entreprenais d'écrire contre lui, vous ne me permettriez pas sans doute de recourir à l'autorité des philosophes et des stoïciens, et de m'en servir comme de la massue d'Hercule pour écraser la tête de ce chien enragé. II est vrai que bientôt après il éprouva dans le combat la puissance de notre Nazaréen, ou, comme il l'appelait par mépris, du Galiléen, ayant été percé d'un coup de lance, comme châtiment de ses impiétés et de ses blasphèmes.
Joseph a écrit en faveur de l'antiquité du peuple juif deux livres contre Appion d'Alexandrie, surnommé le grammairien, où il cite un si grand nombre de passages tirés des auteurs profanes que je ne saurais comprendre comment un Juif de nation, appliqué dès ses plus tendres années à l'étude de l'Ecriture sainte, a pu lire tous les ouvrages des auteurs grecs. Que dirai-je de Philon que les savants regardent comme le Platon des Juifs? Continuons à parcourir tous les auteurs qui citent les profanes dans leurs ouvrages. Quadratus, disciple des apôtres et évêque de l'Eglise d'Athènes, ne présenta-t-il pas à l'empereur Adrien, comme il se rendait au temple de Cérès, un livre pour la défense de la religion chrétienne, où la force et l'élévation de son génie parurent avec tant d'éclat qu'il s'attira l'admiration de tout le monde et fit cesser une cruelle persécution qui s'était élevée contre l'Eglise? Le philosophe Aristide, homme très éloquent, présenta au même empereur l'apologie des chrétiens, toute remplie de passages tirés des philosophes. Justin, également philosophe, suivit son exemple, et présenta à l'empereur Antonin, à ses fils et au sénat, un livre qu'il avait composé contre les Gentils, où il défend hautement l'ignominie de la croix, et confesse avec une liberté vraiment chrétienne la résurrection de Jésus-Christ. Que dirai-je de Meliton, évêque de Sardes? d'Apollinarius, prêtre de l'Eglise d'Hiérapole? de Denis, évêque de Corinthe? de Talianus, de Bardesane, d'Irénée, successeur de saint Photin, martyr, qui tous ont écrit plusieurs volumes pour faire voir dans duels philosophes chaque hérésie se formait? Pautenus, philosophe de la secte des stoïciens, fut envoyé aux Indes par Démétrianus, évêque d'Alexandrie, qui connaissait sa profonde érudition, afin d'annoncer Jésus-Christ aux Brachmanes et aux philosophes de ces pays-là. Clément, prêtre de l'Eglise d'Alexandrie, qui, suivant moi, est le plus habile de tous ceux qui ont écrit sur la religion, a fait huit livres intitulés des Stromates, et huit autres qui ont pour titre des Expositions, un contre les Gentils et trois autres intitulés du Pédagogue ou de l'Instruction des enfants. Tous ces ouvrages ne sont-ils pas remplis d'érudition et de tout ce qu'il y a de plus recherché en philosophie? Origène, à son imitation, a écrit huit livres des Stromates, où il compare la doctrine des chrétiens avec celle des philosophes, et où il confirme tous les dogmes de notre religion par l'autorité de Platon, d'Aristote, de Numénius et de Cornutus? Milciades a aussi écrit un livre fort savant contre les Gentils ; Hippolyte et Apollonius, sénateurs romains, ont donné aussi quelques ouvrages au public. Nous avons encore des livres de Julius Africanus, qui a écrit l'histoire des temps; de Théodore , qui depuis fut appelé Grégoire , homme égal aux apôtres en miracles; de Denis d'Alexandrie, d'Anatolius, prêtre de l'Eglise de Laodicée : comme aussi des prêtres Pamphile, Piérius, Lucien et Malchion; d'Eusèbe de Césarée, d'Eustrate d'Antioche, d'Athanase d'Alexandrie, d'Eusèbe d'Emèse, de Triphille de Cypre, d'Astérius de Scvtropolis, et du confesseur Sérapion; de Tite, évêque de Bostra; de Bazile, de Grégoire et d'Amphilochius, tous trois de Cappadoce. Tous les ouvrages de cette époque sont tellement remplis de passages et de sentences des philosophes, qu'on ne sait ce que l'on doit le plus admirer en eux, ou la science de l'Ecriture sainte, ou la connaissance profonde des auteurs profanes.
