5.
Aug. C'est bien ! mais réponds âmes questions, car tu connais déjà peut-être ce que j'essaye de t'enseigner. Tu ne doutes pas, je crois, que cet arbre ne soit pas absolument rien. — Ev. Qui en douterait? — Aug. Et maintenant, doutes-tu que la justice ne soit bien supérieure à cet arbre? — Ev. C'est là du ridicule; comme s'il pouvait y avoir comparaison ! — Aug. Tu y vas généreusement avec moi; mais écoute encore : Il est certain que cet arbre est tellement inférieur à la justice, que, nulle comparaison ne te semble possible, tu as de plus avoué que cet arbre n'est pas un pur néant; te plaît-il donc de croire que la justice elle- même ne soit rien? — Ev. Qui pousserait la démence jusqu'à le croire?— Aug. Très-bien; mais peut-être cet arbre te paraît-il quelque chose précisément à cause qu'il est grand à sa manière, ou large, ou robuste, et qu'à défaut de ces qualités il ne serait plus rien ? — Ev. C'est ce qui me paraît. — Aug. Quoi donc, la justice, qui est bien quelque chose d'après ton aveu, et même quelque chose de plus divin que cet arbre, de plus précieux, la justice te paraît-elle longue ? — Ev. Quand je pense à la justice, il ne peut me venir à l'esprit ni longueur, ni largeur, ni rien de semblable. — Aug. bi donc la justice n'est rien de tout cela, et que cependant elle ne soit pas un pur néant, pourquoi l'âme te paraît-elle un néant, si elle n'a quelque longueur? — Ev. Allons, quand même il n'y aurait dans l'âme ni longueur, ni largeur, ce ne serait point un motif pour qu'elle me parût un réant; mais, tu le sais, tu n'as pas encore dit qu'elle n'a véritablement rien de tout cela. Car il est possible que bien des choses très-estimables n'aient pas ces propriétés; mais je n'y vois pas un motif de croire aussitôt que notre âme en soit là.