L’initiation opportune
Modèle du directeur, l'abbé Isaac, s'est gardé de donner à ses disciples des leçons que leur inexpérience les rendait incapables de saisir. Il les voit maintenant assez avancés pour qu'on leur ouvre la porte du sanctuaire.
Cette demande que vous me faites, si particulière et si spirituelle, est une marque que vote n'êtes pus fort éloignée de la pureté. On ne peut guère, je ne dis pas comprendre et concevoir cette matière, mais je dis même en former les difficultés que vous faites, qu'après avoir employé beaucoup de temps, et avoir fait beaucoup d'effets, pour tâcher de la pénétrer. Il faut avoir longtemps mené une vie réglée et exacte, qui nous donne enfin par une longue expérience la hardiesse de frapper à la porte de cette divine pureté, et qui excite en nous un désir ardent de la posséder. C'est pourquoi, puisque je reconnais par ce que vous venez de dire, que non seulement vous êtes déjà arrivés comme à la porte d'une oraison si excellente, mais que vous êtes même entrés au dedans, et que vous avez connu par votre expérience une grande partie de ce qu'elle cache de plus secret et de plus impénétrable, j'espère que je n'aurai pas grande peine à vous faire entrer, autant que Dieu m'en fera la grâce, dans ce sanctuaire, et que vous n'aurez pas de peine à y contempler les choses que nous tâcherons de vous faire voir. C'est connaître à moitié une chose, que de discerner ce qu'on doit demander pour la connaître ; et un homme est bientôt savant, lorsqu'il connaît bien ce qu'il ne sait pas.
C'est pourquoi je ne crains plus de passer pour une personne ou légère, ou qui trahisse la vérité qu'elle possède, en vous découvrant aujourd'hui ce que j'avais voulu dans notre dernière conférence vous cacher de la perfection et de l'excellence de la prière, puis-qu'aussi bien, étant en l'état où vous êtes, Dieu seul sans nos paroles et sans notre ministère, vous ferait comprendre plus de choses sur ce sujet que je ne vous en pourrais dire. (Coll., X, 9. P. L., 49, 830.)