IV. — L'Inspiration.
Comment les Pères auraient-ils négligé cet élément de la prière que ne peuvent suppléer ni conseils ni méthodes? Par leurs observations répétées sur la pureté du regard intérieur, ils ont mis en évidence la supériorité des leçons sans paroles données à l'intime du coeur. C'est que même en serrant davantage et en complétant les conseils méthodiques, nous ne trouverions pas le secret de l'oraison, de la prière fervente ni mémo de la plus simple prière. Les règles de la prosodie ne font pas un poète. La prière elle aussi est chose d'inspiration, d'une inspiration transcendante, il lui faut le souffle d'en-haut.
Ce secours est indispensable. L'appréciation du rôle de la grâce dans l'oraison ne porte pas trace d'influence pélagienne, à moins de trouver le semi-pélagianisme dans l'assurance réitérée, que le ciel ne manquera pas à la bonne volonté.
Il faut bien distinguer de la science spirituelle cette autre science que peut acquérir un philosophe, ou celui qui commente l'Écriture comme un chef-d'oeuvre humain. Que le moine lui-même, en qui on suppose présent un foyer de lumière spirituelle, ne mesure pas l'action de l'esprit divin à la facilité qu'il peut avoir d'exprimer de belles pensées Les chrétiens peu familiers avec l'enseignement des spirituels confondent souvent révélation sensible et communication de la grâce. Dieu a bien des manières de nous appeler et de nous parler sans faire de miracle. Les bons conseils donnés par les saints, ceux donnés par les objets inanimés, par le jeu des événements nous mettent déjà dans les régions surnaturelles.
La joie et la paix nous font sentir que nous respirons une atmosphère divine. Mais l'aridité, l'ennui, le sentiment du vide, ne sont pas des marques que le contact divin a cessé. Les alternatives de clarté et de ténèbres pourraient égarer une âme inexpérimentée.
L'histoire des sectes illuministes montre la nécessité de prémunir contre les illusions ceux qui se guident aux lumières les plus intérieures. A ceux déjà apportés au chapitre de la Discrétion nous ajoutons quelques exemples d'hommes vertueux trompés par le démon.
Ce sont des cas isolés. Il ne paraît pas que les victimes de ces prestiges diaboliques aient fait école. Fait considérable, à la louange des Pères Égyptiens : le faux mysticisme qui a fait des ravages en Syrie et en Orient, et dont on voit des manifestations bruyantes à toutes les périodes de l'histoire religieuse, ne s'est pas développé ni acclimaté parmi eux.