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Werke Wüstenväter Les pères du désert
CHAPITRE III SOLITUDE ET DÉPOUILLEMENT
I. — Solitude.

Les Reclus

La retraite de Jean, le grand prophète et thaumaturge, était à peu de distance au-dessus de la grande ville de Lycopolis.

Salaman a trouvé sa retraite dans un village ; sa maisonnette en briques de boue séchées au soleil ne se distingue des autres demeures que par l'absence de portes et de fenêtres.

Dans ce désert de la Thébaïde1 qui est proche de Lycopolis2, j'ai vu Jean, cet homme si excellent, lequel demeurait sur une roche d'une montagne fort rude et fort élevée. Il était difficile d'y monter, et l'entrée de sa cellule était fermée et bouchée de telle sorte, que depuis qu'il y avait établi sa demeure à l'âge de quarante ans, jusqu'à celui de quatre-vingt-dix ans qu'il avait lorsque nous le vîmes, personne n'y était entré : mais il se laissait voir seulement par une fenêtre à ceux qui venaient vers lui, qu'il édifiait par ses entretiens de là parole de Dieu, ou Ies consolait par la sagesse de ses réponses sur les peines qu'ils avaient en l'esprit et sur les doutes qu'ils lui proposaient. Nulle femme n'a jamais été le voir, et les hommes même n'y allaient que rarement et en certains temps. Il permit que l'on bâtit au dehors une cellule assez raisonnable pour y faire reposer ceux qui le venaient trouver des pays fort éloignés. Mais lui, étant seul avec Dieu seul dans la sienne, ne cessait jour et nuit de s'entretenir avec lui et de lui adresser ses prières, acquérant ainsi par une entière pureté d'esprit ce divin bonheur qui est si fort élevé au-dessus de nos pensées. Car plus il s'éloignait des soins de la terre et des entretiens des hommes, et plus Dieu s'approchait de lui, ce qui rendit son âme si éclairée qu'il obtint de Notre-Seigneur non seulement de connaître les choses présentes, mais aussi de prédire les futures, et il lui a accordé si manifestement le don de prophétie, que les habitants de la ville où il était et ceux de sa même province ne furent pas les seuls qu'il informa de l'avenir sur les demandes qu'ils lui proposèrent. Mais il prédit souvent à l'empereur Théodose les événements de ses guerres et les moyens qu'il devait tenir pour remporter la victoire sur les tyrans, comme aussi toutes les irruptions que les barbares devaient faire sous son règne dans les provinces de l'empire. (H. M., 1. P. L., 21.391.).

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  • *

Salaman naquit dans un bourg appelé Capersane, qui est sur le bord de l'Euphrate, du côté de l'occident et ayant résolu de passer sa vie dans la retraite, il s'enferma dans une petite maisonnette d'un autre bourg qui est de l'autre côté de l'eau, dont il boucha les fenêtres et toutes les portes, et il recevait à une seule fois, par un trou qu'il faisait sous terre, de quoi se nourrir toute l'année sans parler jamais à qui que ce fût; ce qu'il a continué encore très longtemps.

L'évêque de la ville dont ce bourg dépend, sachant quelle était sa vertu, résolut de le faire prêtre, et étant dans sa petite maison par une ouverture qu'il y fit faire, il lui parla assez longtemps des grâces dont Dieu le favorisait. Mais ne pouvant tirer un seul mot de lui, il se retira et fit reboucher cette ouverture.

Quelque temps après, les habitants du bourg oit il était né, ayant de nuit passé le fleuve percèrent sa maisonnette et l'ayant enlevé sans qu'il témoignât ni s'y opposer ni y consentir, ils le menèrent dans leur bourg où, dès le lendemain matin, ils lui bâtirent un logement semblable au sien et l'y enfermèrent, ce saint homme demeurant toujours dans le silence sans dire une seule parole à qui que ce fût. A quelques jours de là les habitants du bourg où il demeurait auparavant vinrent aussi de nuit, rompirent la maison et le remmenèrent dans leur bourg, sans qu'il fit non plus aucune résistance ni aucun effort pour demeurer, ni sans témoigner aussi de vouloir bien s'en aller tant il paraissait véritablement mort au monde, et pouvoir dire avec l'Apôtre : « Je suis attaché à la croix avec Jésus-Christ. Je vis non pas moi, mais c'est Jésus-Christ qui vit en moi ; ce que je vis maintenant dans ce corps mortel, c'est par la foi que j'ai au fils de Dieu qui m'a aimé jusqu'à donner pour moi sa propre vie. » Voilà quel fut ce grand saint. Car ce peu de paroles suffisent pour faire connaître quel il a été durant tout le cours de sa vie, et après avoir reçu sa bénédiction, j'écrirai celle d'un autre. (Theod., 19. P. L., 74, 81.)

Les habitants des profondes solitudes n'avaient pas tous les mêmes occupations. Certains donnaient beaucoup de temps aux travaux des champs et un séjour prolongé dans la cellule leur était à charge. Le genre de vie et les distances indiqués par Cassien font penser à des solitaires habitants les collines où s'étaient fixés Paul et Antoine, entre le Nil et la Mer Rouge. Les pluies y sont moins rares que dans les autres déserts d'Égypte et la culture est plus rémunératrice. On imagine aisément que ces moines agriculteurs eussent peu de penchant au régime cellulaire. Un trappiste et un chartreux ont des vocations différentes.

Par la préférence donnée à la contemplation se distinguent les grands maîtres de Scété et de Nitrie.

Chacun donc demeurant dans une si exacte retraite, accomplira parfaitement ce que le prophète Habacuc exprime de la sorte : « Je demeurerai ferme sur mes gardes, et je ferai sentinelle, afin de voir ce qui parlera en moi, et ce que je répondrai à celui qui me reprend. »

Pour savoir jusqu'à quel point cela est pénible, il en faut juger par l'expérience de ceux qui demeurent dans la solitude de Calame, ou autrement de Porphyrion. Vous savez que ces solitaires sont encore plus éloignés de toutes les villes, que ceux qui sont dans le désert de Scété, et qu'il leur faut faire sept ou huit jours de chemin dans une vaste solitude avant que de pouvoir arriver à leurs cellules. Néanmoins parce qu'ils s'occupent à l'agriculture et qu'ils ne se tiennent pas renfermés chez eux, ils sont tout surpris lorsqu'ils viennent dans ces lieux sauvages où nous sommes, et dans la solitude de Scété. Ils se trouvent agités de tant de pensées, et tourmentés de tant d'inquiétudes, qu'on les prendrait pour des personnes nouvellement converties, qui n'auraient jamais fait aucun exercice de la vie solitaire. Ils ne sauraient demeurer dans la cellule, dont le repos et le silence leur est insupportable, et ils n'y sont pas plutôt qu'ils pensent à en sortir, étant agités de troubles comme des novices sans expérience. Car ils ne se sont point étudiés à apaiser les mouvements de leur coeur, et à calmer les tempêtes de leurs pensées par un soin continuel, et par une application persévérante et infatigable, parce qu'en s'occupant tous les jours aux travaux de la campagne, leur esprit s'est accoutumé dans ce grand air à suivre les mouvements de leur corps ; et cette liberté de leurs actions et de leurs regards, a produit aussi la dissipation de leurs pensées. C'est pourquoi ils ne s'aperçoivent pas même de cette instabilité de leur âme, et ils ne peuvent retenir cette légèreté qui leur est devenue comme naturelle. Lorsqu'ils se voient dans une cellule, la mortification de l'esprit et le silence continuel qu'on y doit garder, leur deviennent entièrement insupportables; et au lieu qu'auparavant ils étaient infatigables dans tous les travaux de la campagne, ils se lassent de ne rien faire, et rien ne leur paraît plus pénible que ce long repos. (Coll., XXIV, 4. P. L., 49, 1189.)

Même aux professionnels de la vie hérémitique ces journées paraissaient parfois longues, et les prétextes de sortir s'offraient nombreux, comme celui de vaincre une tentation, de faire oeuvre charitable et apostolique.

Lors donc que le petit nombre des anachorètes nous laissait dans une grande liberté et nous attirait en quelque sorte en nous offrant toute l'étendue d'un vaste désert, lorsqu'une retraite profonde nous rendait plus susceptible de ces communications ineffables avec Dieu, sans en être divertis, comme nous avons été depuis, par les fréquentes visites de nos frères, qui nous jetaient dans des embarras infinis pour ne pas manquer à l'hospitalité, j'avoue que j'ai aimé la paix du désert et que j'ai embrassé avec un désir et un amour insatiable une vie que je compare à celle des anges. Mais lorsque le désert se peupla et que la solitude auparavant si vaste se trouva comme resserrée et que ce changement non seulement refroidissait en nous le feu de la contemplation, mais nous embarrassait même l'esprit du soin des choses temporelles, j'ai mieux aimé la vie du monastère et m'acquitter de tous ses devoirs le mieux qu'il m'était possible, que de demeurer dans une profession si sainte et si relevée et d'y mener une vie languissante et toujours inquiétée du soin des nécessités temporelles, afin que si je n'ai plus cette grande liberté que me donnait autrefois la solitude, je me console au moins d'accomplir le précepte de l'Évangile, en ne me mettant point en peine du lendemain et que la perte que je fais d'un côté de cette contemplation si sublime soit récompensée en ce lieu par le mérite et par l'humilité de l'obéissance. Car c'est une grande misère de faire profession d'un état et de ne s'y rendre jamais parfait. (Coll., XIX, 5. P. L., 49, 1293.)

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  • *

Et il ne faut pas s'étonner que la retraite soit si insupportable à ces personnes, parce que leurs pensées étant resserrées et comme en prison dans un lieu si étroit,elles s'en trouvent tout accablées. Mais lorsqu'ils sortent de leur cellule pour aller à la campagne, elles sortent aussi en foule, et courant comme des chevaux indomptés elles se répandent dans tous les objets qui se présentent. Lorsque l'esprit se délivre ainsi de cette contrainte et de cette gêne où il était, il trouve d'abord dans cette liberté apparente une courte et une triste satisfaction; mais lorsqu'ils sont retournés dans leur cellule et que cette multitude de pensées y rentrant avec eux se trouve comme captive dans un lieu si étroit cette inclination qu'ils ont à se dissiper et qu'ils ont fortifiée par une longue accoutumance, les tour-mente encore davantage et les trouble toujours de plus en plus. Ceux donc qui ne peuvent pas encore, ou qui ne veulent pas résister à leurs inclinations corrompues, se trompent étrangement, si lorsque la paresse et le découragement leur fait la guerre dans leurs cellules, ils croient apaiser leurs maux en sortant dans la campagne. Cette indulgence ne peut que leur être cruelle; et ce qu'il regarde comme un remède leur devient un mal encore plus grand. Ils ressemblent à ces malades qui croient par un verre d'eau froide éteindre toute l'ardeur de la fièvre qui les brûle, au lieu que ce rafraîchissement passager allume encore davantage ce feu intérieur et que ce plaisir d'un moment est suivi d'une douleur bien plus grande. (Coll., XXIV, 5. , P. L., 49, 129.)

Aux ascètes de vertu moyenne, les monastères, bien que les religieux y vivent les uns près des autres, offre donc plus de garanties de recueillement.

Le moine est protégé par la clôture, même si elle n'est pas aussi stricte qu'au convent de l'abbé Isidore, et par la règle du silence.

Nous vîmes aussi dans la Thébaïde le monastère si célèbre de l'abbé Isidore, lequel est très spacieux et tout enfermé de murailles. Ceux qui y demeurent, y sont logés fort au large. Il y a quantité de puits et de jardins qui ont abondance d'eau, des plants de toutes sortes d'arbres et de fruits; et toutes les choses nécessaires pour l'usage de ces solitaires s'y trouvent en telle abondance, que nul d'eux n'est obligé d'en sortir pour aucun besoin que ce puisse être. L'un des plus anciens et des plus considérables par sa vertu demeure à la porte du monastère, pour recevoir ceux qui désirent d'y venir, à condition de n'en sortir jamais, lorsqu'ils y sont une fois entrés, ce qui est entre eux une loi inviolable. Sur le sujet de laquelle ce qu'il y a de plus à admirer, c'est que ce n'est pas cette nécessité qui les y arrête, mais le bonheur et la perfection de la vie qu'ils mènent, lorsqu'ils y sont. Il y a proche de la porte où demeure ce vieillard une cellule destinée pour les survenants, dans laquelle il les reçoit et les traite avec beaucoup d'humanité. Celui qui avait alors cette charge, nous reçut donc de la sorte, et ne nous étant pas pertuis d'entrer dans e monastère, nous apprîmes de lui l'heureuse vie que l'on y passe. Il nous dit qu'il n'y avait que deux des plus anciens qui eussent la permission d'en sortir et d'y rentrer pour distribuer les ouvrages qui procèdent des travail de ces solitaires, et prendre soin de leur apporter les choses dont ils ont besoin. Que quant aux autres, ils demeuraient dans un tel silence, dans un tel repos, et s'occupaient tellement à l'oraison et à tous les exercices religieux qu'ils étaient si éminents en vertu, qu'il n'y en avait pas un seul qui ne fit quelques miracles. (H. M., 17. P. L., 21, 439.)


  1. Le nom de Thébaïde est très communément employé de manière à induire en erreur sur la géographie monastique. On entend désigner par là les lieux les plus retirés où se sont réfugiés les grands anachorètes, et on l'emploie en place des noms de Nitrie, de Scété, des Cellules qui se trouvaient en Basse-Égypte, bien loin de la Thébaïde. Par contre c'est dans la Thébaïde et dans la Haute-Égypte que se sont établis et développés les monastères réguliers. Si l'on s'en tient à la division simpliste entre Haute et Basse-Égypte, on peut dire que la Haute-Égypte et la Thébaïde ont été la patrie du cénobitisme et la Basse-Égypte celle des anachorètes. ↩

  2. Lycopolis est aujourd'hui Assiout, chef-lieu de Moudirieh et la ville la plus peuplée de la Haute-Égypte. La réputation de Jean, comme celle d'Antoine, s'était répandue dans l'Empire. Théodose le consultait. ↩

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