Le silence et la lecture pendant les repas.
La coutume que l'on observe dans les monastères, de faire quelque lecture spirituelle lorsque les frères sont à table, n'est point venue des solitaires d'Égypte, mais de ceux de Cappadoce. Tout le monde sait que ce sont eux qui ont établi ce règlement, non pas tant pour s'occuper l'esprit de pensées saintes que pour arrêter les entretiens superflus et inutiles, et encore plus particulièrement pour retrancher toutes les contentions qui naissent durant le repas, et qu'ils ne pouvaient réprimer qu'en cette manière.
Les solitaires d'Égypte et entre autres ceux de Tabenne gardent alors un si grand silence que dans un si grand nombre de frères, il ne s'en trouve pas un seul qui ose ouvrir la bouche excepté celui qui a sous lui une dizaine de religieux. Et celui-là même témoigne plus par quelque signe que par des paroles les besoins qu'il y a d'apporter ou d'ôter quelque chose de la table. Ce silence est si religieux et si exact, que tous les solitaires ayant leur capuchon abaissé sur leurs yeux pour leur ôter la licence de se jeter curieusement de toutes parts, ils ne voient que leur table et les viandes qu'on leur sert, sans que personne d'entre eux puisse voir ce qu'un autre mange ou combien il mange. (Inst., IV, 17. P. L., 49, 174.)