22.
Aug. Jamais donc as-tu découvert, de ces yeux du corps, un tel point, une telle ligne, ou une telle largeur? — Ev. Jamais, en vérité ; tout cela n'est point corporel. — Aug. Mais si, en vertu d'une merveilleuse sympathie de nature, les objets corporels sont perçus par les yeux du corps, ne faut-il pas que l'esprit, qui perçoit les objets incorporels, ne soit ni corporel, ni corps? Qu'en penses-tu? — Ev. Continue; je t'accorde que l'esprit n'est ni corps, ni rien de corporel; dis-moi enfin ce qu'il est. — Aug. Vois d'abord s'il est de nature à n'avoir point cette espèce de grandeur dont il s'agit ici; car dans notre première question nous avons examiné ce qu'il est; je m'étonne que tu l'aies oublié. Il te souvient sans doute que tu as demandé d'où il vient; ce que nous avons considéré de deux manières. Nous avons donc examiné, premièrement, quelle région pour ainsi dire est celle de l'esprit; secondement, s'il est formé de terre, de feu, d'un seul de ces éléments, de tous, ou seulement de quelques-uns. Là nous sommes convenus que cette question ne devait pas plus être soulevée que celle de savoir d'où vient la terre, ou quelque autre élément en particulier. L'esprit est l'oeuvre de Dieu; mais nous devons comprendre qu'il a une substance particulière qui n'est ni de la terre, ni du feu, ni de l'air, ni de l'eau, à moins peut-être qu'il ne faille croire que Dieu a donné à la terre de n'être que terre, et qu'il n'a pas donné à l'esprit de n'être qu'esprit. Mais si tu veux avoir la définition de l'esprit, et qu'ainsi tu me demandes ce qu'il est, il m'est facile de répondre; l'esprit donc me paraît être une substance douée de raison, et propre à gouverner le corps.