La rancune.
J'en ai vu d'autres qui par une dissimulation pernicieuse, faisaient semblant de souffrir avec patience ce qui les fâchait, et qui gravaient d'autant plus au dedans de leur coeur le souvenir de cette injure, qu'ils en étouffaient au dehors par leur silence tous les témoignages de ressentiment. Ceux-là m'ont paru encore plus malheureux que ceux qui s'emportent de fureur, comme ayant terni et effacé la blancheur et la simplicité de la colombe par l'humeur noire et trompeuse de ce serpent, dont nous devons nous garder avec un pareil soin que du démon de l'impureté, parce qu'il a comme cet autre, l'inclination de la nature qui le favorise, et qui travaille avec lui.
J'en ai vu de si transportés de colère, que même ils ne voulaient point manger, et qui par cette abstinence indiscrète et déraisonnable ajoutaient un nouveau mal à leur premier mal, et un nouveau poison au premier poison. Comme au contraire j'en ai vu d'autres qui prenant leur colère pour une occasion juste et raisonnable de manger avec excès, déchargeaient toute leur fureur sur les viandes, et tombaient ainsi d'une fosse dans un précipice. Mais j'en ai vu de plus sages, qui comme de bons médecins faisant un mélange salutaire de ces deux choses si opposées gardaient le mi-lieu entre les deux extrémités, et se servaient très utilement pour adoucir leur colère de, la satisfaction qu'ils accordaient à leur corps par une nourriture médiocre et tempérée. (Clim., VIII, 16, 17. P. G., 88, 830.)