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CHAPITRE VII. CHARITÉ
V. — Les Saintes Amitiés.

Ce qui prouve et entretient l'amitié. Les degrés de l'amitié.

Les premiers fondements d'une véritable amitié consistent dans le mépris des biens du monde, et de tout ce qu'on y possède. Car ce serait une grande injustice, et une impiété même, si après avoir renoncé à la vanité du siècle, on préférait quelque petit meuble qui nous en resterait, à l'amitié de nos frères, qui nous doit être si précieuse.

Le second degré, de renoncer entièrement à sa volonté propre, de peur qu'en s'estimant trop sage ou trop éclairé, on aime mieux suivre ses sentiments que ceux de son ami.

Le troisième, est de savoir sacrifier au bien de la charité et de la paix, tout ce que l'on croirait être utile et même nécessaire. En quatrième lieu, il faut être bien persuadé qu'il n'y a jamais aucun sujet ni juste ni déraisonnable, pour lequel il soit permis de se mettre en colère.

En cinquième lieu, il faut tâcher de remédier à la mauvaise humeur et à la colère que notre frère a conçue contre nous sans sujet, et l'adoucir avec autant de soins que nous ferions la nôtre propre; car si nous ne nous hâtons de la chasser de son âme, elle peut nous être aussi pernicieuse, que si nous étions nous-mêmes transportés envers les autres.

Enfin le dernier degré, qui est aussi la ruine la plus assurée de tous les autres vices, est de croire à chaque jour qu'on doit mourir avant qu'il se passe. Cette pensée nous empêchera non seulement d'avoir en nous aucune aigreur contre personne, mais réprimera même tous les mouvements des vices et de la concupiscence. Quiconque observera exactement ces six règles, ne pourra ni ressentir en lui l'amertume de la colère, ou la chaleur des disputes, ni en donner le moindre sujet aux autres. Mais dès lors qu'on cessera de les garder, et que cet esprit ennemi de la charité aura insensiblement répandu dans le coeur le venin d'une aversion secrète, l'amitié se refroidira peu à peu par de petites disputes et dégénérera enfin dans une rupture et une division manifeste.

Car en quoi celui qui marche dans le chemin que nous venons de tracer, se pourrait-il trouver en différend avec son ami, puisqu'il coupe la racine de toutes les disputes, qui ne naissent d'ordinaire que de petits sujets, en renonçant à tout, et ne possédant rien en propre, pour pratiquer ce qui se lit,dans les Actes, de l'union des premiers fidèles : « Toute la multitude de ceux qui croyaient, dit saint Luc, n'avaient qu'un coeur et qu'une âme, et personne d'entre eux ne disait être à lui rien de ce qu'il possédait, mais toutes choses leur étaient communes. »

De plus, quel sujet de discorde pourra donner celui qui s'assujettissant en tout, non à sa volonté, mais à celle de son frère, sera un imitateur de Jésus-Christ, qui parlant en la personne de l'homme dont il s'était revêtu, dit : « Je ne suis pas venu faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé? »

A quelle contestation pourra être sujet celui règle ses propres lumières par les sentiments de son ami; qui ne Ies croit que lorsque son ami les approuve, et qui accomplit ainsi par l'humilité de son coeur cette parole de l'Évangile : « Néanmoins qu'il soit fait comme vous le voudrez, et non pas comme je le veux? »

Comment celui-là pourra-t-il causer la moindre tristesse à son frère, qui croira qu'il n'y a rien de plus précieux que la paix ? Et qui se souvient de cette parole de Jésus-Christ : « C'est en cela que l'on connaîtra que vous êtes mes disciples, si vous avez de l'amour les uns pour les autres », par laquelle Jésus-Christ nous donne comme une marque particulière pour reconnaître ses brebis en ce monde, et les discerner des autres ?

Qui pourrait encore être susceptible de quelque aigreur contre son frère, ou lui donner sujet de se fâcher, lorsqu'il est très convaincu, que la colère qui est de soi si pernicieuse et si détestable, ne peut avoir de cause qui soit juste, et qu'il sait qu'il peut aussi peu prier quand son frère est en colère contre lui, que s'il était lui-même en colère contre son frère ; car il se souvient avec frayeur de cette parole de Jésus-Christ : « Si vous offrez votre présent à l'autel, et que vous vous souveniez que votre frère a quelque chose contre vous ; laissez là votre présent devant l'autel, et allez vous réconcilier avec votre frère, et vous viendrez ensuite offrir votre présent. » Il ne vous servira de rien de l'assurer que, pour vous, vous n'êtes point en colère contre votre frère, et de croire que vous avez accompli le commandement de l'Apôtre « Que le soleil ne se couche point sur votre colère, et celui qui se met en colère contre son frère sera coupable de jugement », si en même temps vous négligez avec une dureté inflexible de remédier à la colère de votre frère que vous auriez pu apaiser par votre douceur. Car vous serez également puni, comme coupable de désobéissance au commandement de Dieu. Celui qui vous a commandé de ne vous point mettre en colère contre votre frère, vous a commandé aussi de ne point négliger celle où votre frère peut tomber. Il est indifférent à l'égard de Dieu, qui veut que tous les hommes soient sauvés, si c'est vous ou un autre que vous perdez. Il fait une perte égale ; si votre âme ou celle de votre frère se perd, comme le démon fait un gain égal, s'il gagne votre âme, ou celle de votre frère.

Enfin, comment celui-là pourrait-il avoir la moindre mauvaise humeur contre son frère, qui croit mourir tous les jours, ou plutôt à tous les moments? (Coll., XVI, 6. P. L., 49, 1021.)

A proportion que la charité nous rapproche de Dieu, elle nous unit à notre prochain.

Que pensez-vous que soient les monastères; sinon un même corps, dont les frères sont les parties et les membres ? Ceux qui exercent les charges et qui en ont les emplois principaux, en sont la tête, ceux qui veillent pour la direction dès autres en sont les yeux, ceux qui sont appliqués à la parole en sont la bouche, les oreilles sont ceux qui écoutent, les mains ceux qui exécutent les commissions et les ordres. Si vous êtes la tête, gouvernez ; si vous êtes les yeux, veillez; si vous êtes la bouche, parlez et rendez-vous utile par l'instruction; si vous êtes l'oreille, obéissez; si vous êtes la main, travaillez; si vous êtes le pied, servez et que chacun rende au corps son assistance et son service, autant qu'il est capable et essayez de vous entr'aider les uns les autres, soit en apprenant à vos frères les vérités divines et en mettant la parole de Dieu dans leurs coeurs, soit en les consolant dans le temps des tentations, soit en leur donnant la main pour les secourir dans leurs travaux, en sorte que chacun s'efforce autant qu'il lui sera possible, de s'unir avec son frère car on s'unit à Dieu autant qu'on s'unit à son frère.

Je vous dirai à ce sujet un exemple tiré de nos saints Pères, afin que vous connaissiez mieux la force de ce que je viens de vous dire. Supposé qu'il y ait un cercle marqué sur la terre, c'est-à-dire une ligne tirée en rond à l'entour d'un point qui s'appelle un centre (car à proprement parler, on appelle un centre le milieu d'un cercle). Soyez attentifs à ce que je vous dis. Imaginez-vous que ce cercle est le monde, que le milieu de ce cercle est Dieu et que toutes les lignes droites tirées du cercle (ou de la circonférence) au centre, sont les voies et les conduites des hommes.

Ainsi d'autant plus que les saints rentrent dans le dedans du cercle par le désir qu'ils ont de s'approcher du centre, ils s'approchent de Dieu et à proportion qu'ils approchent de Dieu, ils s'unissent et s'approchent les uns des autres et d'autant plus qu'ils s'approchent les uns des autres, ils s'approchent de Dieu.

Il en est de même de la séparation : d'autant plus qu'on s'éloigne du centre, c'est-à-dire de Dieu, et qu'on se tire vers la circonférence du cercle, il est évident qu'on s'éloigne et qu'on se sépare les uns des autres et que d'autant plus qu'on s'éloigne les uns des autres on s'éloigne aussi de Dieu.

Voilà quelle est la puissance et l'ordre de la charité. Plus nous sommes au dehors, c'est-à-dire attachés aux créatures, moins nous aimons Dieu et plus nous sommes éloignés de notre prochain; et à proportion que nous aimons Dieu et que nous nous approchons de lui par la charité, nous nous approchons aussi de notre prochain et nous nous unissons à lui; comme d'autant plus que nous nous unissons à notre prochain, nous nous unissons à Dieu. (Dorothée, VI. P. G., 88., 1695.)

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