Marthe et Marie.
Il n'y a qu'une chose vraiment nécessaire.
Il faut donc que le premier de nos soins et de nos efforts, et que le dessein continuel de notre coeur soit de nous attacher invariablement à Dieu, et d'arrêter fixement notre esprit dans les choses divines. Tout ce qui ne tend pas là, quelque grand qu'il puisse être, ne doit tenir que le second ou le dernier rang, et nous doit même passer pour dangereux. Nous avons dans un même endroit de l'Évangile une excellente figure de ces deux choses, c'est-à-dire, d'une âme toujours appliquée à Dieu, et des actions qui la peuvent détourner de ce saint exercice : c'est dans l'histoire de ces deux soeurs, Marthe et Marie, qui représentent fort bien ce que nous disons.
Marthe était occupée à un ministère très saint, puisqu'elle ne travaillait que pour le service de Jésus-Christ et de ses disciples. Marie sa soeur était au contraire uniquement attentive à la doctrine toute céleste du Sauveur. Elle se tenait à ses pieds, elle les baisait, elle les parfumait du parfum précieux d'une sincère confession. Le Sauveur la préféra en cet état à sa soeur, et déclara qu'elle avait choisi la meilleure part, qui ne lui pourrait jamais être ôtée. Car Marthe se trouvant agitée de divers soins, quoique son occupation fût très sainte, elle s'adressa à Jésus-Christ; et comme elle se voyait toute seule, et incapable de fournir à un si grand travail, elle le pria de commander à sa soeur qu'elle l'aidât. « Approuvez-vous, Seigneur, lui dit-elle, que ma soeur me laisse ainsi seule dans ce travail' Dites-lui donc qu'elle me vienne aider! » Ce n'était point pour un ministère bas, ou pour quelque ouvrage vil et méprisable qu'elle demandait ce secours. Elle ne portait sa soeur à l'assister que dans une occupation très louable. Et néanmoins le Sauveur lui répondit: « Marthe, Marthe, vous vous empressez, et vous vous troublez de beaucoup de choses. Mais il n'en faut que peu, ou même qu'une seule. Marie, votre soeur a choisi la bonne part, et elle ne lui sera point ôtée. »
Vous voyez clairement que Jésus-Christ même établit la principale piété dans la théorie, c'est-à-dire, dans la contemplation de Dieu. Après cela quelque nécessaires et quelque utiles que soient les autres vertus, nous ne devons leur donner que le second lieu, puisqu'on ne les exerce, et qu'on ne les acquiert toutes que dans la vue et dans le désir de celle-ci. Quand Jésus-Christ dit « Vous vous empressez et vous vous troublez pour beaucoup de choses, quoiqu'il n'y en ait que peu, ou même qu'une seule qui soit nécessaire », il met visiblement le souverain bien de tette vie, non dans l'action, quelque louable qu'elle soit, et quelque fruit qu'elle puisse produire, mais dans cette unique et simple contemplation de lui-même ; et il assure que ce peu suffit pour arriver à. cette parfaite béatitude, et à cette divine contemplation. Car l'âme qui veut s'élever vers Dieu doit s'appliquer premièrement à considérer et à imiter ce petit nombre de saints qui le sen. vent. Il faut qu'elle contemple Dieu en eux à mesure qu'elle se perfectionne, et qu'elle s'avance de jour en jour jusqu'à ce que par le secours de la grâce, elle devienne capable de contempler cet objet unique et souverain, qui est Dieu même. (Coll., I, 8. P. L., 49, 490.)